Au siècle passé, Andràs Schiff avait déjà enregistré le premier concerto pour piano de Brahms : il était alors dans l’écurie Decca, tout comme le chef d’orchestre prestigieux qui l’accompagnait à la tête du Philharmonique de Vienne – Sir Georg Solti. Fin 2019, Sir Andràs Schiff – lui aussi a été anobli entretemps – a remis l’ouvrage sur le métier en concert à Londres, mais en ajoutant au célébrissime ré mineur le presque aussi fameux si bémol majeur. C’est que, explique-t-il, s’il avait joué très tôt l’opus 15, il a attendu d’avoir quarante ans avant d’aborder l’opus 83. Et, dans la foulée de ces concerts, Schiff a enregistré les deux concertos.
Schiff est un brahmsien passionné et expert, et ses lectures sont puissantes et inspirées, ce qui suffit déjà à faire l’intérêt de ce double disque. Mais le propos va plus loin. Le pianiste a en effet choisi d’appliquer à Brahms ce que la plupart de ces collègues osent tout au plus jusqu’aux concertos de Mozart : travailler sans chef, et dans une optique de musique de chambre avec l’orchestre. L’orchestre est donc en formation légèrement réduite – dix premiers violons et le reste en proportions équivalentes – et, surtout, il joue sur instruments anciens, avec ce que cela suppose de modification des équilibres sonores. Comme il s’agit en outre de l’excellent Orchestra of the Age of Enlightenment, et que Schiff a choisi de jouer non pas sur le Steinway d’usage – jugé trop brillant et trop puissant – mais sur un beau Bluthner de 1859. De quoi revisiter ces grands classiques que sont les deux concertos de Brahms.
2 CD ECM/Outhere