Matin Première

Débat sur l’usage du néerlandais populaire à la VRT : la radiotélévision publique flamande précise sa position

Temps de lecture
Par Joyce Azar

C’est un débat qui fait couler beaucoup d’encre, et auquel participent tant le public, les politiques, que les médias : l’usage du néerlandais standard et du néerlandais populaire sur les chaînes radio et télé de la VRT. La radiotélévision publique flamande a été interpellée sur l’usage de la tussentaal par certains de ses animateurs et l’évocation d’une modification de sa Charte linguistique.

Au nord du pays, on utilise plusieurs sortes de néerlandais pour s’exprimer dans des conversations. Il y a d’un côté le patois, qui est cependant en voie de disparition. Il y a évidemment le néerlandais généralisé, qui est le néerlandais standard que l’on apprend à l’école, et que l’on entend par exemple dans les médias ou dans les tribunaux.

Et puis, il y a ce qu’on appelle la 'Tussentaal', la langue intermédiaire, qui comme son nom l’indique, se situe entre les deux autres langues : le patois et le néerlandais généralisé. Ce néerlandais-là, tout le monde le parle. Il existe d’ailleurs plusieurs tussentalen selon les régions. Celle d’Anvers ne sera donc pas vraiment la même que celle de Flandre occidentale, mais globalement, tout le monde se comprend, malgré ces différences. L’un des exemples les plus connus de tussentaal a été prononcé par le ministre-président flamand lui-même, lors d’un débat parlementaire au début de son mandat : "Da gade gij nie bepalen". Si Jan Jambon avait parlé en néerlandais standard, il aurait dit "dat ga jij niet bepalen" (ce n’est pas toi qui va le déterminer).

Ce langage populaire est utilisé par tous les Flamands. On entendra donc souvent dire "wa doedegij ?" au lieu de "wat doe je" pour dire "que fais-tu" ; "ziedegij iets" au lieu de "zie je iets" pour dire "est-ce que tu vois quelque chose" ; ou encore "wa is dees", au lieu de "wat is dat" pour dire "qu’est-ce que c’est que ça".

Trop de tussentaal à la VRT ?

Tout le monde utilise donc régulièrement ce néerlandais populaire, mais son usage sur les chaînes de la radio-télévision publique flamande n’est pas pour autant toujours apprécié. Récemment, des critiques ont notamment été émises à l’encontre de Kim Van Oncen, une nouvelle animatrice de Radio 2, mais aussi envers Tom Waes, qui présente la célèbre série Het Verhaal Van Vlanderen. Dans cette émission, Tom Waes passe en effet régulièrement du néerlandais standard à une tussentaal anversoise, un langage qui irrite le fondateur de la N-VA, Geert Bourgeois.

Fin janvier, l’actuel eurodéputé s’était insurgé du néerlandais utilisé par Tom Waes pour raconter l’histoire de Flandre. Il avait dans la foulée appelé le Parlement flamand à interpeller la VRT à ce sujet. En effet, en tant que service public, la VRT est contrainte de respecter plusieurs missions qui sont déterminées dans son contrat de gestion.

Parmi celles-ci, on retrouve la Charte linguistique qui stipule que la VRT doit utiliser un néerlandais clair, correct et accessible. Selon ce règlement, l’usage du néerlandais populaire n’est permis que dans les fictions et les programmes humoristiques. Mais en début de semaine, la nouvelle conseillère linguistique de la VRT a fait une annonce très remarquée. Geertje Slangen a indiqué qu’elle travaillait sur une mise à jour de la Charte. Son intention serait de mieux aligner les règles linguistiques à la réalité sociale. Le néerlandais standard resterait la norme pour les programmes d’information et chez Ketnet, la chaîne pour enfants. Mais parallèlement, le service public ferait plus de place au langage informel, aux variations régionales et aux accents étrangers.

Ces déclarations ont enflammé le débat, à tel point que la VRT a dû mettre les points sur les 'i'. Dans un communiqué de presse, elle précise qu’il n’est pas question d’assouplir la Charte, ou de donner plus de place à la tussentaal au sein de ses différentes chaînes.

Tom Waes aux MIA’s le 26 janvier 2023.
Tom Waes aux MIA’s le 26 janvier 2023. © Tous droits réservés

Un enjeu pédagogique et social

Côté francophone, on peut se demander pourquoi l’usage du néerlandais populaire dans les médias suscite-t-il autant de réactions.

La raison principale est pédagogique : ce néerlandais est incrusté de fautes, et il a par ailleurs gagné beaucoup de terrain ces dernières années. Une situation qui est loin d’être idéale lorsqu’on sait que le niveau de langue des élèves flamands ne cesse de reculer. On pense aussi aux non-néerlandophones, comme par exemple les nouveaux-arrivants, qui font l’effort d’apprendre le néerlandais standard, mais qui sont également confrontés au quotidien à toutes sortes de dialectes. Pour beaucoup, il est donc primordial que la VRT reste garante du bon néerlandais. Mais au vu de l’évolution de la langue de Vondel, on peut s’attendre à ce que cette mission publique devienne à terme un véritable défi.

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Articles recommandés pour vous