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Un pour tous, tous pour shame !

© Pooneh Ghana (Hi-Res)

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Par Aline Glaudot

Il est loin le temps où Charlie Steen et sa bande arpentaient les planches du Queen’s Head de Brixton, pour tenter de donner de la contenance à quelques compositions bancales sorties de la tête du leader du jeune groupe "shame". Nous sommes en 2014, Charlie et ses camarades ont 16 ans à peine, de fausses gueules d’anges et la fougue et l’irrévérence qui caractérisent les meilleurs groupes post-punk anglais du moment. Cinq ans après leur premier album à succès "Songs Of Praise" (2018) et deux ans après "Drunk Tank Pink" (2021), le quintet londonien shame reprend du service avec "Food For Worms", troisième disque hommage à cet amour et cette amitié indéfectibles qui lient nos gaillards depuis près de dix ans maintenant. On a rencontré Charlie Steen (chanteur) et Sean Coyle-Smith (guitariste) en terre bruxelloise pour l’occasion. 

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"Cet album c’est un peu la Lamborghini de nos albums", pouvait-on lire noir sur blanc sur le communiqué de presse. Devant tant de conviction, on était curieux de demander à quels autres bolides identifier les deux précédents…

Le premier, c’était plutôt un vélo de base, celui que tu aimes super fort ! Le second, plutôt une voiture de niche, une voiture concept, comme une Tesla… [rires]. A Londres, j’habite à côté d’un magasin de Lamborghini et je trouve que c’est une expression fun, c’est notre manière de dire qu’on est confiant sur la vitesse, la sécurité…

Le coup d’accélérateur

Et pourtant, nous confient les deux musiciens, le pari n’était pas gagné : "On a passé toute l’année 2021 à essayer d’écrire et composer et bien qu’on en ait tiré quelques idées de nos sessions… aucun son n’est sorti."

Le coup d’accélérateur viendra de leur manager : ce dernier eut la brillante idée de leur booker au début de l'année 2022, deux concerts, deux soirs de suite au Brixton Windmill, sous le faux nom "Almost Seamus", avec pour seul impératif de jouer uniquement des compositions inédites, leur laissant alors peu de choix que d’écrire et de composer en un temps record.

"Quand tu commences avec un groupe tu sais que tu dois écrire parce que les concerts arrivent. Ce ne sont pas les concerts les plus réfléchis, on est loin de penser à tous les détails. Ça nous a replongé dans cette situation et c’est pour cette raison que c’est venu assez naturellement : tu as un but précis et à la fin de la journée, quand c’est l’heure de jouer, tu donnes vie à tout ça. Tu vois tout de suite ce que les gens aiment ou aiment moins. Nous avons fait deux concerts: pour le premier le son était brutal, on a fait beaucoup d’erreurs et pour le second, le son était toujours assez brut mais c’était déjà beaucoup mieux. Tu peux t’entraîner à jouer un morceau autant de fois que tu veux mais dès que tu le joues en live ça t’inculque beaucoup et ça te donne la confiance."

Je pense que c’est Brian Eno qui disait "un morceau n’est jamais fini jusqu’à ce que tu le joues en live." (Charlie)

© Alex Panidis

Comme sur des roulettes

La machine était lancée. Avec la confiance retrouvée, nos musiciens roulent des mécaniques et enchaînent des sessions de compo prolifiques et un enregistrement en studio. En cinq mois, l’album est bouclé. Un album presque instinctif, spontané, pensé et écrit de façon collaborative par ces cinq amis de longue date sur qui le temps et le succès n’ont encore que peu d’emprise, au contraire.

"C’est mon album préféré de tous ceux que nous avons faits parce que je pense que c’est le plus unifié, qui sonne le plus comme nous", explique Charlie et Sean de renchérir "Je pense que c’est l’album le plus simple que nous ayons fait. Le second était un travail d’amour qui a pris pas mal de temps et celui-ci est venu si naturellement qu’on n’a pas eu l’impression d’y travailler tant que ça et je pense que c’est pour cette raison qu’on le trouve encore meilleur, qu’il sonne le plus comme nous."

Un album dont le processus d’écriture a vu nos cinq musiciens devenir encore plus unis et soudés. Une célébration de la fraternité poussée jusqu'au bout : shame dans la foulée a en effet relevé le défi d’enregistrer tout dans des conditions live et s’accorde alors les services du talentueux producteur Flood (U2, Brian Eno, PJ Harvey, Nine Inch Nails) : "En live, tu essayes de capter le moment, l’essence du morceau comme la première fois que tu l’as joué. C’est quelque chose de vraiment compliqué à faire, spécialement quand c’est live vu que tout le monde doit être dans la pièce en même temps. Si l’un d’entre nous fait une mauvaise prise, tout le monde fait une mauvaise prise. Donc il faut avoir confiance les uns envers les autres sinon ça ne marche pas du tout."

Tu passes des heures dans une pièce à transpirer, il fait super chaud, tes mains, tes doigts sont endoloris, ta voix est fatiguée ... c'est ça quand tu t’enfermes avec tout le monde. Mais c’est définitivement un moyen marrant d’enregistrer

Sounds different'

De ce joyeux bordel sont ressortis dix titres aussi singuliers qu’harmonieux. Si seuls "Fingers Of Steel", "Six-Pack" et "Adderall" sont parvenus officiellement jusqu’à nos oreilles à ce jour, il nous tarde de vous faire découvrir des petits bijoux comme "All The People" ou encore "Orchid".

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Différents de ce à quoi ils nous ont habitués, Charlie et sa bande s’éloignent de leur post-punk originel pour surfer sur une vague plus calme et mesurée.

Et Sean de nous parler d’"Orchid": "Je me souviens de la première fois où je suis arrivé avec ce morceau, j’étais super obsédé par l’album live de Nirvana, MTV Unplugged, juste parce que j’adore comment sonnent ces batteries acoustiques jouées avec les balais et ces guitares. C’était ce genre de son que je voulais vraiment qu’on atteigne, plus calme, tranquille. C’est comme faire un pas en arrière. Plutôt que proposer quelque chose de plus énervé, comme ce qu'on a l’habitude de faire, on a fait quelque chose de plus doux, plus aéré, car que la voix de Charlie avait besoin de cet espace pour laisser la place aux mots… C’est ma chanson préférée de l’album."

Brotherhood

© Facebook shame officiel

Un troisième album pensé, écrit et composé comme une véritable déclaration d’amour entre frères d’armes musiciens : "beaucoup des paroles de cet album sont liées les unes aux autres car nous les avons écrites quand les sentiments étaient frais et bien réels, ils ont été capturés sur le moment […]

Tout ça pour dire que, ton expérience de l’amour, tu la pratiques constamment avec tes amis. Bon il y a certaines choses que tu fais différemment évidemment [rires]. Mais toutes ces émotions d’avidité, de frustrations, de compassion que tu peux ressentir dans des relations romantiques, tu peux les retrouver  dans tes relations amicales.

"Ton meilleur ami c’est ton confident, ton thérapeute, c’est vers lui que tu te tournes quand tu viens de rompre ou que tu viens d’avoir un nouveau boulot… C’est ce qui contextualise toute ta vie, te rend humain et qui fait que tu deviens ce que tu es.", conclut Charlie.

Longue vie à vous shame… !

"Food For Worms", troisième album de shame sort, toujours sur Dead Oceans, ce vendredi 24 février. Les Anglais seront de passage à l’Ancienne Belgique pour défendre leur nouveau bébé le 5 avril prochain.

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