Evénements Classic 21

Roger Waters (Pink Floyd) en concert à Anvers ce dimanche : l’artiste et le militant

© Benoît Bouchez

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Par Dominique Ragheb

Cinq ans après son passage avec la tournée " Us + Them ", Roger Waters était ce dimanche à nouveau au Sportplaleis d’Anvers pour un concert unique.

Ce nouveau show s’inscrivant dans le cadre de ce qui est annoncé, non sans ironie, comme sa tournée d’adieu fut pour beaucoup la dernière occasion de voir ou de revoir l’un des artistes les plus iconiques de l’histoire du rock. C’est un public multigénérationnel qui s’était donné rendez-vous pour célébrer, disons-le sans détour, la musique de Pink Floyd. Ce n’est d’ailleurs pas anecdotique si en prélude avant le concert, la voix de Roger Waters a résonné pour donner le ton en demandant aux personnes venues écouter Pink Floyd et qui seraient en désaccord avec ses prises de position politiques "d’aller se faire foutre et de plutôt passer leur soirée au bar !"

Comme c’est le cas de plus en plus fréquemment pour des concerts à " grand spectacle ", la scène de ce " This is not a Drill Tour " est centrale. En forme de croix, prenant une grande partie de la surface du parterre et surmontée d’écrans géants qui se soulèvent dès les premiers instants. Cette scène a été intelligemment conçue pour que l’ensemble de la salle puisse jouir de cette grande messe rock.

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Dès les premiers instants, on comprend bien par les images de " zombies " errant dans une ville dévastée que le prédicateur Roger Waters est venu ce soir pour nous interpeller sur notre monde.

C’est sur un "Comfortably Numb" avec un traitement très vocal et sans effet de guitare que s’ouvre le concert. Cette entrée en matière se poursuit en restant sur l’album "The Wall " avec un "The Happiest Day of our Lives" accompagné par un puissant projecteur balayant la foule au cri de " You, yes You ! " scandé par le chanteur, titre suivi comme à l’origine par "Another Brick in the Wall ".

Après cette parenthèse "The wall", Roger Waters nous replonge, sur fond de discours politiques pointant les injustices, dans les ambiances de ses albums solo que sont "Radio Kaos" et "Amused to Death".

Sur les écrans à dominante rouge sang, des messages à la mémoire de victimes innocentes s’affichent : Anne Frank, jeune adolescente assassinée dans les camps de la mort nazi et George Floyd, afro-américain tué par des policiers racistes, figurent parmi les victimes données en exemple.

Le militant Roger Waters s’attaque alors à la politique extérieure des Etats-Unis, ne manquant pas, en interprétant en mode piano/voix le titre inédit "The Bar", de demander la libération de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks.

Après cette charge militante, l’artiste nous propose un voyage dans le temps, un voyage vers la naissance de Pink Floyd. Après un " Have a Cigar", titre dénonçant les dérives de l’industrie musicale et sur lequel le jeu à la guitare de Jonathan Wilson est impressionnant de virtuosité, Roger Waters et son groupe nous jouent l’intégralité de la face B de l’album " Wish you Were Here" en racontant via des images d’archive sa première rencontre avec Syd Barrett et comment la déchéance de son ami l’a bouleversé.

Avec cette mise en abîme, "Shine on you Crazy Diamond " n’a jamais autant pris son sens en étant joué live. Avant de marquer une pause, c’est l’album "Animals " et ses références orwelliennes qui sont mis en avant avec "Sheep", titre durant lequel un mouton gigantesque survole la foule. On notera que c’est le morceau le "moins guitare" de l’album si l’on compare à "Dogs " par exemple qui a été choisi comme si l’apport de David Gilmour avait été systématiquement gommé. Cela est d’autant plus frappant que sur les images d’archives du groupe n’apparaît pas la figure d’un des plus grands guitaristes de l’histoire du rock. La rancœur est tenace. Pause.

Vient alors la seconde partie du show au visuel époustouflant avec des drapeaux représentant les marteaux noirs et rouges, symbole des dérives fascistes du personnage Pink dans " the Wall ".

Avec une mise en garde de la montée des extrêmes et un appel à la résistance, les versions de "In the Flesh " et "Run like Hell" font froid dans le dos. Le bruit des mitraillettes claque, Rogers Waters arme au poing tire sur le public. Cette séquence ponctuée de scènes violentes est une brève immersion dans l’album de 2017 "Is this the life you really want” durant laquelle Roger Waters prend la défense de différents peuples opprimés en se basant sur des images d’actualités.

Le ton est cash, sans détour et accusateur.

Après ces moments de forte tension ou le malaise presque physique est perceptible, c’est la célébration du cinquantenaire de "The Dark side of the Moon ". C’est l’intégralité de la face B qui est jouée.

Rien n’est oublié : cochon tirelire pour accompagner un "Money" chanté par Jonathan Wilson, rires de fou en quadriphonie sur "Brain Damage " et pulsation cardiaque sur "Eclipse". Une exécution impeccable agrémentée de lasers formant le prisme iconique et mosaïques colorées pour un album né sur scène.

Pour boucler ce voyage dans l’univers de Pink floyd, le show dont les images continuent de hanter les esprits bien après la dernière note, Roger Waters revient sur le concept de l’horloge de l’apocalypse.

Il chante, en soulignant que nous n’avons jamais été aussi proches de la fin avec ce qu’il se passe en Ukraine, le dernier titre de "Final cut" : "two suns in the sunset", une chanson sur un éventuel conflit nucléaire.

© Benoît Bouchez

Roger Waters saluera son public belge dans une configuration intime de fin de soirée comme si lui et son groupe se trouvaient dans un pub en entonnant avec une voix qui n’a rien perdu de son émotion "Outside the Wall " ; rappelant ainsi l’importance de l’artiste et la portée pour les générations futures d’une œuvre qui peut devenir une arme dans ce combat pour un monde sans haine et sans violence.

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