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Le "don de Dieu" : comment la tentative de coup d’État en Turquie en 2016 a renforcé Erdogan

L'Histoire continue

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Par Bertrand Henne

Alors que la Turquie a à nouveau élu Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle, l’émission L’Histoire continue se replonge dans la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. Cette nuit-là, à Istanbul et Ankara, des chars bloquent les ponts du Bosphore, des soldats prennent d’assaut la télévision nationale. C’est la cinquième fois depuis la Deuxième Guerre mondiale que l’armée descend dans la rue pour changer le régime. L’ armée a en effet pour habitude de s’immiscer dans la vie politique de la Turquie. Les soldats sont aussi les garants de l’héritage du fondateur de la république Atatürk, en particulier de la laïcité face à l’Islam politique.

Coup d'état en Turquie: l'histoire se répète

L’Histoire s’est donc une nouvelle fois répétée en 2016. Mais cette fois, le coup d’État en Turquie a échoué. Les putschistes n’étaient pas assez nombreux, pas assez préparés. Il reste encore aujourd’hui une part de mystère autour du "qui" et du "pourquoi" de cette tentative de renversement du gouvernement turc. Mais ce qui est certain c’est que le pouvoir du président Erdogan s’est considérablement renforcé. La répression du régime turc a été impitoyable. 40.000 personnes sont arrêtées, 150.000 fonctionnaires sont suspendus, l’armée turque est mise au pas : 149 généraux sur 358 sont limogés.

Que reste-t-il de cette tentative de coup d’État aujourd’hui menés par des soldats turcs ? Comment la Turquie reste marquée par cet événement ? Le podcast L’Histoire continue raconte cette nuit du coup d'Etat en Turquie, où tout a basculé. Avec Ahmed Insel, journaliste et politologue et Benoit Feyt, journaliste à la RTBF.

"Il faut voter pour la démocratie"

L'après-midi du 15 juillet 2016 laisse place à une soirée estivale et festive dans les rues d'Istanbul. Loin du tumulte de la ville, le président Erdogan prend du bon temps dans une villa à Marmaris, où le mariage de la fille d'un général important a lieu. Les téléphones sonnent, des regards inquiets échangés, la tension est palpable. Deux hélicoptères de l'armée se posent. Ils font arrêter Mehmet Sever et d'autres généraux. 

Le coup d'État est nommé

À Bruxelles, la chaîne de radio La Première évoque l'attentat terroriste de Nice, qui a fait 84 morts. Coïncidence ou lien de causalité ? À Ankara, un coups d'État s'est mis en place. F16 et hélicoptères volent à basse altitude au-dessus d'Istanbul : mais pourquoi si bas ? Se demandent les passants, inquiets. Soudain, les chars de l'armée ferment la place Taksim. Aucune communication officielle, mais sur les réseaux sociaux, le coup d'État est nommé. 

Le communiqué sera lu à la télé quelques heures plus tard par une journaliste déroutée : l'armée a pris le pouvoir pour " restaurer l'ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l'homme et les libertés ". Un couvre-feu et la loi martiale sont mis en place.

Signé par un groupe inconnu : le conseil de la paix pour la Patrie. Il s'agit donc bien d'un coup d'État. Mais qui est derrière ? Pourquoi ? Erdogan, en villégiature à Marmaris, est aux abonnés absents. Le chef de l'Etat Major des armées, lui, est pris en otage par les putschistes. Au sol, après les premiers affrontements, les premiers mort. Minuit 30 : Erdogan apparaît à la télévision. Il dénonce une minorité de militaires qui veulent prendre le pouvoir, et appelle le peuple à s'opposer au coup d'État dans la rue. Le pays est en proie à une confusion totale.

Une nuit de guerre civile

Erdogan s'est envolé à Istanbul où une partie de l'armée lui est fidèle. Les partisans d'Erdogan ont répondus à son appel. Une lutte d'une grande violence a lieu entre putschistes et pros-pouvoir. Les premiers morts tombent. C'est une nuit sanglante de guerre civile.

Au petit matin, le coup d'État à échoué. Les partisans du présidents envahissent les rues. Les militaires et partisans au putsch se rendent à la police. "Ce soulèvement est un don de Dieu, il nous aidera à nettoyer l'armée de ses éléments factieux" déclare Erdogan. Les journalistes sont libérés des forces armée rebelles, effrayés. Le parlement à Ankara est partiellement détruit. L'opération est un fiasco, et Erdogan s'en servira pour asseoir un pouvoir toujours plus autoritaire. 

La machine répressive se met en route

Ce coup d'État des militaires opposants au pouvoir est un fiasco total. Bilan officiel : 265 morts et plus de mille blessés. Qui est à l'origine de ce coup d'État avorté ? Plusieurs noms sont prononcés : Fethullah Güle, théologien d'abord proche d'Erdogan puis devenu son pire ennemi, est le suspect numéro un...

Erdogan saute sur l'occasion pour développer la machine répressive de l'État, qui s'emballe depuis l'arrivée de l'ACAPE. Justice, enseignement, média vont être accusés d'être infiltrés par des complices de cette nuit de révolte. Ils seraient des partisans de Fethullah Gülen qui serait, d'après le président Erdogan, à la tête d'une organisation terroriste hostile au gouvernement turc. 40.000 personnes sont arrêtées, 150.000 fonctionnaires sont suspendus, 149 généraux sur les 358 de l'armée turque sont limogés. Les artistes, auteurs, journalistes sont aussi des cibles prioritaires lors de cette dérive autoritaire. 550 associations, plusieurs médias, et 19 institutions médicales sont aussi fermés.

Erdogan en profite pour faire passer une réforme constitutionnelle qui renforce considérablement ses pouvoirs de président, privant encore plus la communauté turque de ses droits fondamentaux. 

Ce 15 juillet 2016 a rendu Erdogan et le gouvernement turc plus puissant que jamais. "Ce don de Dieu" c'est l'occasion de déclarer un état d'exception, qui restera en place deux ans, et qui lui permet d'exercer une justice arbitraire et sans tribunal, sous couvert d'Etat d'urgence. "Le coup d'Etat a fait accouché ce régime hyper présidentiel",  explique le politologue Ahmed Insel.

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