5 heures

Rudy Léonet rend hommage à Jean-Louis Murat : "Il était un peu le dernier des Mohicans"

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Par François Saint-Amand

Le best of de Jean-Louis Murat sorti ce 26 mai sonne aujourd’hui comme le requiem de l’artiste français qui se positionnait toujours en marge du showbiz. Rudy Léonet, qui évoquait cette compilation il y a quelques jours dans La Semaine des 5 Heures, lui a rendu hommage, lui qui suivait Jean-Louis Murat depuis ses débuts et qui a assuré ses premières parties en 1993 avec son groupe La Variété.

"Une sortie à la David Bowie" lance Rudy Léonet. Jean-Louis Murat, poète rebelle de la chanson française, s’est éteint ce 25 mai à l’âge de 71 ans. L’auteur-compositeur-interprète auvergnat nous a quittés la veille de la sortie de son premier best of, que La Semaine des 5 Heures présentait il y a quelques jours.

Un stakhanoviste de la musique, au service des autres

Ce départ brutal ébranle le monde de la musique.

Il signe pourtant une carrière assez paradoxale : très prolifique (une trentaine de disques dont 26 albums studio à son actif en 42 ans de carrière), mais à contre-courant des grands noms de la chanson française tant Murat restait en retrait, se cachant derrière son art, pourtant prolifique. À tel point que la presse populaire l’a défini par ses collaborations, comme le duo Regrets avec Mylène Farmer ou l’écriture du morceau Un singe en hiver pour Indochine. Pourtant "quand Murat écrivait pour d’autres, en général la maquette originale était bien meilleure que la version aboutie" estime Rudy Léonet, sauf pour la version Cartier Bresson de Michel Delpech.

Le roi de la provocation

Autre prisme que celui de parler de son talent de musicien, d’interprète et d’auteur-compositeur : son franc-parler. Des "saillies virulentes et totalement à contre-courant ce qui est toujours extrêmement courageux et rafraîchissant. Plus que le politiquement correct, le plus dangereux c’est le conformisme : on aime, ça marche, donc c’est forcément bien. C’est rigoureusement horripilant sur le plan intellectuel et artistique" commente Hugues Dayez.

L’une de ses déclarations fracassantes concernait Johnny Hallyday, une star à laquelle il ne voulait pas être associé comme il l’a signalé en 2019 aux Inrockuptibles : "Le jour de sa mort, ce fut un soulagement, comme un 6 juin 1944 pour la musique. À cause de lui, nous sommes passés pour des tocards pendant cinquante ans".

Une citation qui avait peut-être heurté les fans du taulier, mais qui doit être expliquée dans son contexte estime Rudy Léonet : "Ce qui est compliqué avec l’arrogance, c’est quand les arrogants sont naturellement doués. Cela ne fait encore qu’augmenter leur détestation et pourtant c’était quelqu’un qui n’était pas du tout sûr de lui. C’est pour cela qu’il allait souvent à la confrontation, comme dans un esprit 5 Heures, dire tout haut ce que pas mal pensaient tout bas".

Pour le spécialiste musical de La Semaine des 5 Heures, cette disparition choque aussi pour cet aspect de la personnalité de Jean-Louis Murat :

Ce que beaucoup pleurent aujourd’hui ce n’est pas pour l’héritage qu’il a laissé, mais surtout le grand vide devant lequel tout le monde se trouve parce qu’il était un peu le dernier des Mohicans. Qui après va encore avoir cette audace de dire certaines choses avec de l’éloquence brutale mais élégante ? Qui aura encore cette espèce d’esprit de chevalerie de continuer à entretenir une certaine idée de la langue française dans la chanson ?

Probablement pas le rap français, qui n’était pas en odeur de sainteté. PNL avait par exemple aussi été très critiqué en 2019 par Murat.

Jean-Louis Murat aux Francofolies de La Rochelle en 2014.
Jean-Louis Murat aux Francofolies de La Rochelle en 2014. © Xavier LEOTY / AFP

Derrière les phrases choc, un homme authentique et bienveillant

Considéré lui-même comme un artisan de la chanson, il était aussi ancré dans sa ruralité. En témoigne sa reprise de Mon frère d’Angleterre de Bourvil. "Il y avait une espèce d’authenticité qui faisait qu’on lui pardonnait énormément de choses y compris des concerts qui allaient à l’encontre de ce que le public attendait : il ne jouait que des faces B, parfois même dos au public. Les vrais fans de Murat sont des irréductibles, de véritables héros qui ont résisté à peu près à tout y compris aux coups de boutoir de l’artiste lui-même qui essayait de voir jusqu’à quel point le public résisterait".

Que les fans se rassurent d’ailleurs, cela ne fait aucun doute pour Rudy Léonet, "il y aura de manière posthume autant de choses qu’il a pu publier" car l’artiste auvergnat "écrivait plus que ce que l’industrie n’était capable de publier". D’ailleurs, il s’est souvent confronté aux patrons des labels, "mais pour l’avoir observé en tournée, c’était quelqu’un d’extrêmement bienveillant avec les techniciens, les retours, avec ses musiciens".

Derrière ce personnage se cachait aussi une profonde humilité et une grande lucidité sur sa carrière comme cette chanson d’enfance et d’innocence, son "Mistral perdant" : Au Mont Sans-Souci.

La Semaine des 5 Heures

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Jean-Louis Murat est également passé dans plusieurs émissions de La Première. 

Retrouvez notamment son entretien avec Pascal Claude en 2020 pour Dans quel monde on vit.

Dans quel Monde on vit

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► L’actu ciné et musicale avec Hugues et Rudy, c’est dans La semaine des 5 Heures sur La Première et en replay sur Auvio.

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