Un jour dans l'histoire

La GFP, police secrète de la Wehrmacht en Belgique : une puissance insoupçonnée

Un Jour dans l'Histoire

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Par Gérald Decoster

La Geheime Feldpolizei, GFP, police secrète de la Wehrmacht en Belgique au cours de la Seconde Guerre mondiale : un triste fragment de notre histoire, probablement inconnu de la plupart des Belges. Une excellente raison pour que dans Un jour dans l’Histoire, Laurent Dehossay invite les historiens Louis Fortemps et Vincent Gabriel, auteurs d'une étude fouillée sur la question.

La GFP, une forme policière remontant au 19e siècle

Tout au long de la dernière occupation de la Belgique, la Geheime Feldpolizei, fondée au milieu du 19e siècle par le royaume de Prusse – avant même que n’existe l’Allemagne – a fait des ravages au sein de la Résistance. Cette police militaire et secrète n’existera qu’en des espace-temps précis, comme l’expliquent Louis Fortemps et Vincent Gabriel : "... elle va suivre l’armée allemande dans à peu près chacun de ces déploiements et donc, chaque fois que l’armée allemande est déployée hors du territoire allemand… alors au sortir de ces différents conflits la GFP sera démobilisée, ce qui est normal puisque c’est une police militaire qui n’existe que dans le sillon de l’armée qu’elle encadre et qu’elle protège".

Si la GPF voit le jour peu avant la guerre austro-prussienne de 1866, elle renaîtra en 1914-1918 et à partir de 1940 car "son rôle fondamental c’est la protection de l’armée allemande et donc, ça implique de lutter contre tout ce qui peut la mettre en danger donc les sabotages, le contre-espionnage, donc les réseaux de renseignement de la résistance".

Une présence dans toutes les régions du pays…

Répartie dans toutes les provinces belges en groupes d’une cinquantaine d’hommes, la GFP est tout aussi violente que la Gestapo : "d’abord c’est une police, donc en tant que telle, elle a le monopole de la violence légitime. En plus, une police militaire, donc… pour protéger l’armée allemande, la GFP peut prendre toutes les mesures qu’elle juge nécessaires".

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Une barbarie insoupçonnée

La prison de Saint-Gilles a été utilisée par la Geheime Feldpolizei

Pour arriver à ses fins, la GFP adopte une forme d’interrogatoire inventée par Heinrich Himmler dans les années 1930 pour la Gestapo, l’interrogatoire renforcé… pas toujours bien vu : "cette pratique, la GFP va commencer à l’utiliser également parce qu’elle a besoin de ces méthodes… et donc, quand elle va chercher ses détenus dans les prisons belges et puis les redéposer le soir dans un état assez catastrophique, ça va faire grincer des dents, même des officiers allemands, souvent des officiers plutôt conservateurs, qui n’avaient pas de problème avec la lutte contre la Résistance, mais quand ce sont surtout des aristocrates belges qui étaient entrés en Résistance qui subissent ces sévices, ça va commencer à faire grincer des dents et ça va causer de gros remous dans l’administration militaire".

Des tortures pourtant encadrées : "bien sûr, c’est très encadré. C’est une série de cinq coups de bâton, et là, on décide le nombre de coups de bâton qui sera porté en présence d’un médecin etc., donc, théoriquement, c’est censé être encadré".

Une GFP secondée par des Belges

La police secrète de la Wehrmacht va s’adjoindre le soutien de nombreux groupes armés belges, tel le mouvement Rex de Léon Degrelle car "quand la police souffre de sous-effectifs, quand on a des gens qui connaissent le pays, qui connaissent la langue, qui connaissent les quartiers qui viennent vous aider, c’est forcément une aide inestimable".

Parmi les grands collaborateurs de la GFP, un certain Prosper Dezitter, une personnalité au profil trouble, un repris de justice au service des Allemands : "... il va vraiment créer sa propre filière d’évasion, pour essayer d’attirer les pilotes alliés abattus en Belgique ou les résistants voulant fuir vers Londres. Et son réseau, au lieu de les conduire vers la liberté, va les conduire directement dans les geôles allemandes".

Les troupes allemandes paradent à Bruxelles le 18 mai 1940. La GFP, reconstituée depuis le début de la guerre, va pouvoir exercer son pouvoir en Belgique.
Les troupes allemandes paradent à Bruxelles le 18 mai 1940. La GFP, reconstituée depuis le début de la guerre, va pouvoir exercer son pouvoir en Belgique. © Mondadori via Getty Images

De la "mauvaise" conduite de membres de la Wehrmacht…

Parmi les tâches de la GFP : la protection de la Wehrmacht, mais également la répression des délits commis dans ses rangs mêmes.

Une petite rue de Liège, comme en fréquentaient les policiers et soldats allemands…

Exemple dans un bar liégeois appelé Les caves du Nord : "... on est à Liège, en 41 il me semble, et on découvre – probablement par le truchement d’une dénonciation – que certains policiers et certains membres de l’armée allemande d’occupation se rendent dans les caves de ce bar où il y aurait une fraternité entre les hommes qui serait assez charnelle… et évidemment dans le IIIe Reich, on ne peut pas avoir des relations plus que fraternelles entre hommes, et donc, la GFP va fermer ce bar et vérifier que les policiers et l’armée allemande ne s’y rendent plus".

Au sortir de la guerre, un groupe qui ne sera que bien peu inquiété

Au regard du nombre de membres de la Gestapo qui seront condamnés après-guerre, ceux de la GFP s’en sortent sans trop de problèmes : "... il y a un seul groupe, le groupe 530 de Bruxelles, qui sera jugé en tant que groupe… Et encore, sur une centaine de membres, ce n’est que treize personnes qui finiront condamnées. Et ailleurs, on parle d’une ou deux personnes à Liège, à Gand, à Charleroi qui sont jugées pour des cas où les preuves sont vraiment avérées et pour des cas d’extrême violence".

La Geheime Feldpolizei, La police secrète de la Wehrmacht en Belgique (1940-1944), un sujet à prolonger avec la lecture de l’ouvrage de Louis Fortemps et Vincent Gabriel, paru aux éditions Weyrich.

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