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Au coeur d’Enghien, une épicerie-herboristerie coopérative rêve de voir le jour

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Par Titouan Marichal

C’est un phénomène courant dans de nombreuses villes et villages : les commerces locaux peinent à survivre et finissent par disparaître. À Enghien, Benoît Bruyndonckx voit le centre-ville se vider de ses commerçants, année après année. Propriétaire d’"Autrement", une épicerie bio au cœur de la ville, il ne veut pas connaître le même sort. Il a donc décidé de prendre les devants pour donner un second souffle à son projet grâce à la coopérative ÉquiLibri.

Benoît Bruyndonckx a toujours été intéressé par l’écologie au sens large. D’ailleurs, dès ses 18 ans, il savait qu’il voulait mener un mode vie plutôt sobre et s’engager localement. "Je ne savais pas encore ce que je voulais faire, mais j’avais décidé que j’allais travailler à pied ou à vélo proche de chez moi."

À 24 ans, un graduat en comptabilité en poche et son service militaire derrière lui, Benoît décide de reprendre un petit commerce au cœur d’Enghien. "Par enthousiasme, naïveté ou idéalisme, je ne sais pas trop, j’ai repris cette affaire, sans aucune connaissance du monde du commerce…" Ce qui était un magasin diététique deviendra progressivement une épicerie qui propose des produits bio de qualité et qui défend ses engagements pour une consommation juste et responsable. "On a commencé à vendre des fruits, des légumes, des produits laitiers et puis du vin, des livres, etc."

 

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Depuis quelques années, "Autrement" fait aussi table d’hôtes et propose des tartes, des soupes "maison" ou encore des assiettes de saison. Régulièrement, ce lieu vivant et bourré de charme se transforme en salle de spectacle ou de conférence. "C’est génial car ces trois aspects sont complémentaires. Les gens viennent boire un verre puis achètent leur pain en sortant. Et nous, on en profite pour leur parler des soirées spectacles à venir. C’est un commerce qui fonctionne bien et qui devient d’ailleurs trop petit pour son succès."

Le refus de voir son commerce disparaître

"Autrement" fonctionne un peu comme une épicerie d’il y a 50 ans. Benoît et sa famille habitent sur place. Les livraisons se font deux soirs par semaine entre 22 et 23h avec un déchargement fait à la main. Les 200 m2 du commerce suffisent à peine pour stocker les produits. Un joyeux désordre. "Ça donne une âme, c’est très sympa pour les clients, mais pas du tout pratique pour les travailleurs. J’ai 55 ans. Si j’ai un pépin de santé ou si je prends ma pension, je sais que dans ces conditions, mon activité va s’éteindre avec moi."

Depuis le lancement de son épicerie en 1991, Benoît a vu disparaître de nombreux commerces du centre-ville auxquels les Enghiennois sont très attachés. "Enghien a déjà perdu sa droguerie, son cordonnier, ses boulangeries et une de ses boucheries par manque d’anticipation. Soit des faillites, soit des indépendants qui partent à la pension mais qui ne trouvent pas de repreneurs…"

Ne voulant pas connaître le même sort, Benoît anticipe et veut dès aujourd’hui changer le modèle de son épicerie en impliquant travailleurs, citoyens et producteurs au sein d’une nouvelle coopérative agréée : ÉquiLibri.

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Le pari de se développer en centre-ville

 "En 32 ans, on a construit plein de choses. On a une très chouette clientèle. Je pense qu’il est temps de transmettre en douceur et donner un second souffle à ce commerce engagé et surtout des conditions de travail qui lui permettent de durer."

Pour pérenniser "Autrement", une dizaine d’Enghiennois convaincus se sont rassemblés autour de Benoît. Ensemble, ils ont défini les grandes lignes d’ÉquiLibri. L’objectif de cette coopérative agréée est d’ouvrir un nouvel espace, en plein cœur d’Enghien, qui fait la part belle aux produits locaux, aux plantes, à l’artisanat et toutes autres bonnes idées des coopérateurs. "Un projet qui répond aux besoins des producteurs de la région et des clients attentifs aux enjeux qui se cachent derrière l’acte d’achat."

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Le lieu convoité est situé à 50 mètres de l’actuelle épicerie. Une aubaine pour ne pas perdre la clientèle actuelle. "C’est un magnifique endroit qui s’étend sur 350 m2. On y prévoit une rénovation sobre, privilégiant la récupération, l’écoconstruction et l’économie circulaire." Pour consolider la promesse d’achat du bâtiment et lancer l’épicerie coopérative, EquiLibri a besoin de lever 1.300 000€ d’ici le 30 juin. "On a eu un démarrage assez lent. Actuellement, on compte plus de 100 "Équilibristes" pour un total de 270.000 €. Mais on y croit, car le projet fait sens et tient la route économiquement !"

Au-delà du soutien à l’économie locale et de la création d’un demain souhaitable via la prise de décisions collectives, les membres de la coopérative agréée auront une ristourne au moment de passer à la caisse. "Les bénéfices de la coopérative seront répartis de deux manières. D’abord, l’argent sera réinvesti dans l’entreprise, pour remplacer un frigo défectueux par exemple. Ensuite, les coopérateurs auront une remise à la caisse. C’est une façon de redistribuer les bénéfices." Et si un jour, ÉquiLibri venait à distribuer des dividendes, "ils ne dépasseraient pas les 6%, c’est comme ça pour les coopératives agréées. On veut attirer des profils dont l’objectif n’est pas uniquement financier, mais davantage sociétal."

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Maintenir et créer de l’emploi localement

EquiLibri, ne voulant pas créer de concurrence déloyale en faisant travailler ses coopérateurs, embauchera de nouveaux employés pour faire tourner l’épicerie du lundi 13h au dimanche 13h. Par contre, les coopérateurs motivés pourront donner un coup de main pour des tâches socialement et écologiquement utiles. Par exemple, la livraison des courses en vélo cargo ou encore le nettoyage des bocaux. "Des services que personne ne propose car ils ne sont pas économiquement rentables, mais qu’on peut offrir grâce à nos bénévoles. Sans piquer l’emploi d’autres personnes."

Les personnes intéressées peuvent devenir "Équilibristes" en prenant des parts directement sur leur site internet. Des visites du lieu sont aussi organisées ces 20 mai et 11 juin. "Les potentiels coopérateurs sont souvent étonnés du potentiel du lieu !"

Si la coopérative parvient à rassembler les fonds nécessaires d’ici fin juin 2023, le projet sera définitivement lancé. Mais il faudra attendre octobre 2024, au plus tôt, pour l’ouverture d’ÉquiLibri.

Autrement continuera d’exister

L’idée de Benoît n’est évidemment pas d’arrêter de sitôt "Autrement". "Personnellement, je veux lever le pied. Je serai coopérateur d’EquiLibri qui va pérenniser le côté épicerie de mon commerce actuel. Les côtés horeca et culturel, eux, resteront dans nos murs."

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