Politique

App mobile, site d’actu, manifestations… quelle est la stratégie de com' du Vlaams Belang un an avant les élections ?

Manifestation du Vlaams Belang près du Mont des Arts à Bruxelles le 29 mai 2023

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Par Aubry Touriel

App mobile, site d’actualité, manifestations… le Vlaams Belang a lancé sa campagne électorale pour 2024 sous le slogan #doezeluisteren (obligeons-les à écouter). Un an avant les élections, analyse de la stratégie du parti d’extrême droite en tête des sondages au nord du pays.

Après 10 jours de marche entre Ostende et Bruxelles à la rencontre des citoyens, Tom Van Grieken, le président du parti d’extrême droite, appelait ses militants à clôturer son action par une manifestation à Bruxelles le lundi de Pentecôte.

Ce jour-là, moins de 2000 nationalistes flamands ont agité les drapeaux noirs et jaunes au pied du Mont des Arts pour que “la rue de la Loi écoute les citoyens”. Le parti séparatiste avait prévu ce qu’il fallait pour assurer une bonne ambiance : trois stands de frites ainsi que des fûts de bière à profusion.

Benjamin Biard (CRISP) analyse la communication du Vlaams Belang

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137.000 euros sur Facebook en une semaine

Deuxième parti de Flandre, le Vlaams Belang est l’un de ceux qui reçoivent le plus de dotations publiques. Selon une étude du professeur Maddens, le VB consacre près de 60% de ses moyens à la communication. Cette campagne #doezeluisteren en est un bel exemple.

Les chiffres récoltés par le collectif Adlens montrent que le Vlaams Belang a dépensé quelque 137.000 euros en une semaine sur les réseaux sociaux pour promouvoir ce rassemblement, soit presque le montant moyen dépensé par le parti pour un trimestre en 2022.

Benjamin Biard, chargé de recherches au centre de recherche du CRISP, explique : “On peut parler d’un succès en termes de communication. Cet événement est en quelque sorte l’apothéose d’une tournée de protestation effectuée par Tom Van Grieken à travers la Flandre. Il s’arrêtait dans plusieurs localités pour se montrer proche de la population et essayer de relayer notamment ses désidératas et ses craintes.

Manifestations : une pratique courante

La dernière grosse manifestation du Vlaams Belang date de septembre 2020. Environ 4500 militants et sympathisants des nationalistes flamands étaient venus en voiture des quatre coins de la Flandre pour se rassembler sur le Parking C du Heysel. Une démonstration de force du Vlaams Belang qui avait organisé ce rassemblement pour s’opposer à la formation d’une coalition fédérale Vivaldi avec le slogan “Niet mijn regering” / “Ce n’est pas mon gouvernement”. Les nationalistes flamands critiquaient notamment le fait que le gouvernement Vivaldi ne dispose pas d’une majorité dans le groupe linguistique néerlandais.

Pour Benjamin Biard du CRISP, la manifestation de fin mai est loin d’égaler le succès de celle au Heysel du 27 septembre 2020 : “On était dans la foulée de la crise du COVID et à la veille de la mise sur pied du gouvernement De Croo. Cela étant, le Vlaams Belang a réussi à gagner une visibilité assez importante à l’occasion de cet événement de mai dernier, notamment en relayant ses discours, une série d’images, de photos, à travers le web et ses différentes plateformes. Ce n’est donc certainement pas un échec. "

Il n’est pas rare de voir le Vlaams Belang protester contre le système à travers des actions en rue. Selon le spécialiste des mouvements d’extrême droite, les types de manifestations varient, mais leur but reste le même : gagner en visibilité. “Certaines sont davantage de nature symbolique et ne sont pas toujours autorisées d’ailleurs. Je pense par exemple à ces marches qu’a voulu organiser Filip Dewinter à plusieurs reprises.

La dernière en date remonte au 6 mai dernier avec Renaud Camus, le militant d’extrême droite et auteur de nombreux ouvrages sur le “Grand Remplacement”. La commune de Saint-Josse avait par ailleurs annulé l’événement. Le ténor du Vlaams Belang anversois avait aussi voulu organiser une sorte de “safari” à Molenbeek pour dénoncer “l’islamisation”, de cette partie de Bruxelles.

Benjamin Biard (CRISP) analyse la communication du Vlaams Belang (2)

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V-Nieuws

Le Vlaams Belang prépare sa campagne sur tous les fronts : en rue mais aussi en ligne. Chaîne Youtube, app pour smartphone… le parti d’extrême droite étend encore sa panoplie d’outils de communication avec le lancement du site V-Nieuws il y a un peu plus d’un mois. Sur ce site, le parti d’extrême droite adopte tous les codes des médias traditionnels.

Ils vont même jusqu’à faire du “fact-checking”. Ce 5 juin, on retrouve notamment l’article intitulé “Fact-check : les médias traditionnels sont-ils impartiaux ?” En essence, cet article explique que la VRT et les médias accordent trop peu d’attention au Vlaams Belang.

L’auteur indique que la chaîne flamande publique a refusé de divulguer les chiffres du rapport. C’est la raison pour laquelle le parti a décidé de compiler lui-même les statistiques et les a emballées dans un rapport intitulé "Rapport d’impartialité : La VRT et le Vlaams Belang : une relation tendue." Partout dans ce rapport, on retrouve la charte graphique de la VRT et l’éditeur responsable n’est pourtant personne d’autre que Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang.

Capture du rapport d’impartialité réalisé par le Vlaams Belang
Capture du rapport d’impartialité réalisé par le Vlaams Belang © Tous droits réservés

Contacté par la RTBF, Steven Samyn, chef de la section “VRT duiding” réagit : “C’est le régulateur flamand des médias (VRM) qui publie les rapports d’impartialité de la VRT réalisés en toute indépendance par des chercheurs de l’université d’Anvers. Nous attendons la publication du rapport prévue le 29 juin.

Benjamin Biard commente : “À travers ses rapports publiés par le Vlaams Belang, le parti veut contester l’impartialité des médias, au premier rang desquels la VRT. Il souhaite aussi souligner son rôle de victime dans le système face à ce qu’il considère être les grands médias qui sont finalement proches du système des partis politiques établis et singulièrement ceux du centre gauche ou de la gauche tout court.

Bataille culturelle

En parallèle à sa bataille politique, le Vlaams Belang mène une sorte de bataille culturelle qui cadre dans un contexte plus large au sein du monde nationaliste flamand. “Le mouvement flamand a déjà son site Doorbraak. Dries Van Langenhoven avait également sa plateforme Kies Dries. Tous ces outils ont l’ambition, selon eux, de mieux informer dans un contexte de fake news foisonnant.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que le “rédacteur en chef” de V-Nieuws soit Jonas Naeyaert. Ancien président du club étudiant nationaliste KVHV, il était le rédacteur en chef du média en ligne Sceptr (devenu PalNWS). Depuis le lancement du site, il a troqué sa casquette de “porte-parole” du Vlaams Belang pour rédacteur en chef de V-Nieuws.

Pour Benjamin Biard, il est difficile de mesurer le réel impact que va avoir ce site V-Nieuws : "C’est d’abord et avant tout la présence sur les réseaux sociaux qui, d’un point de vue partisan et électoral, va jouer pour le Vlaams Belang. Ce sont des outils complémentaires qui viennent nourrir une dynamique en cours et qui semble favorable au Vlaams Belang.

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