Se détourner du romantisme pour développer une vision de l’amour plus inclusive ?

Le nom d’Aline Laurent-Mayard ne doit pas vous être inconnu si vous êtes des adeptes des podcasts. En novembre 2021, elle produit et écrit le podcast "Free from desire" dans lequel elle retrace sa vie d’asexuelle et d’aromantique jusqu’à l’expérience de sa maternité sous PMA et en solo. Dans ces épisodes, elle délivre une parole hors des cases et propose un portrait d’une jeunesse qui s’éloigne de l’hétérosexualité et de la vie de couple. Elle a aussi produit et écrit le podcast "Bienvenu·e bébé" dans lequel elle réfléchit à la question du genre dans l’éducation qu’elle donnera à son enfant.

En dehors de ce podcast, elle a également publié en 2022 des essais, dont Libérés de la masculinité : Comment Thimothée Chalamet m’a fait croire à l’homme nouveau, qui interrogeait "l’émergence de nouvelles masculinités, plus libres et sensibles, antithèses du bad boy".

À travers ces productions, qu’elles soient abordées sous le prisme de la littérature ou des médias, Aline Laurent-Mayard tente d’ajouter sa pierre à un renouveau en pleine ascension qui déploie une autre vision de l’amour et de la sexualité.

Dans son ouvrage Post-romantique, elle explore les relations amoureuses en les élargissant à d’autres domaines, en remontant aux origines du romantisme, avec pour ambition de démontrer la diversité des relations, des modes de vie et des expressions d’amour, reflétant ainsi la diversité individuelle.

Et si le romantisme nous avait aveuglé·es ? Mouvement artistique apparu à la fin du 18e siècle en Allemagne et en Angleterre, il met au centre de son art l’individu en tant que tel dans toutes ses aspirations à l’amour. "Ses membres cherchent l’évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide, le sublime, l’exotisme et le passé. […] Ce qui les intéresse c’est la capacité à aimer. Ressentir de l’amour serait s’opposer à la rigidité déshumanisée", explique Aline Laurent-Mayard dans son livre.

Dans ce contexte, l’amour est mis au centre de tout et de toutes les préoccupations. Il devient le moteur de toute relation et depuis, on constate que cela n’a que très peu changé. Le sentiment amoureux serait à vivre passionnément, dans les larmes et les drames et toute personne sensée, devrait le placer au cœur de son existence.

Le mythe romantique a renforcé l’idée que les femmes sont des créatures fragiles et passives. En leur répétant que leur bonheur dépendra de l’amour qu’un homme saura leur donner, il les prive de leur capacité à agir. Le mythe romantique affaiblit d’autant plus les femmes qu’il les isole, en particulier des autres femmes.

Il est donc assez difficile d’abandonner une telle image quand tout nous rappelle que nous sommes dans l’obligation de tomber amoureux·ses, de trouver LA bonne personne et de créer une famille afin de perpétuer cet amour.

Au lieu de nous pousser à l’indépendance, le romantisme enferme dans un carcan très serré. Il est dès lors compliqué de s’en défaire car ce que le romantisme fait transparaitre est qu’il "appelle les femmes à rester à leur place, à tourner le dos à leur individualité et à leurs passions si elles ne veulent pas mal finir."

Mais alors que proposer pour contrer ce romantisme exacerbé ? Pour y répondre, Aline Laurent-Mayard expose sa propre vision de l’amour. Mère célibataire, elle s’est construit une famille nucléaire, en dehors des liens du sang. Elle explique qu’en dehors de sa mère et de sa sœur, elle s’est entourée de personnes qu’elle considère comme tout aussi importantes que les autres. Cette "non" hiérarchisation permet de mélanger et de réagencer les personnes qui nous entourent.

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L’autrice est également allée à la rencontre de personnes qui ont décidé de changer d’angle et de ne plus placer l’amour romantique au centre de leur vie et de vivre d’autres formes d’amour.

Dans ces exemples, nous trouvons des couples qui vivent en colocation avec des ami·es, "deux amies qui souhaitent faire passer leur amitié avant leurs histoires amoureuses, une mère de famille solo qui vit en habitat participatif, des personnes qui sont plus heureuses dans la solitude, un homme qui veut rester célibataire sans pour autant tirer un trait sur les relations romantiques", etc. Autant de portraits de femmes et d’hommes qui ont redéfini à leur façon ce qu’était l’amour romantique.

Si le sujet n’est pas original et que d’autres livres ont déjà abordé cette question comme Vieille fille, Faire famille autrement, ou Révolution amoureuse, ce livre traite le sujet d’une façon rafraichissante en nous poussant toujours à réfléchir plus loin de ce que nous vivons et de ce que la société nous offre comme possibilité.

L’intérêt est également de lire un livre écrit par une personne asexuelle et aromantique et qui permet de comprendre d’autres systèmes de pensées et de s’approprier d’autres réalités.

Post-romantique, comment moins de romance pourrait sauver l’amour et la société, Aline Laurent-Mayard, Editions JC Lattès, Janvier 2024, 304 pages, 20€.