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À l’approche des élections, l’association féministe Soralia dénonce les dangers de l’extrême droite

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Par Camille Wernaers pour Les Grenades (contenu indépendant de la rédaction)

Tout début mars, le Vlaams Belang, l’extrême droite flamande, atteignait près de 28 % des intentions de vote au nord du pays, ce qui place le parti devant la N-VA, selon un sondage mené par la Standaard et la VRT.

Quant à l’extrême droite wallonne, le nouveau parti politique Chez nous cible en particulier les jeunes sur les réseaux sociaux en vue des élections régionales, fédérales et européennes de juin 2024.

Une actualité qui inquiète la société civile, et notamment l’association féministe Soralia que Les Grenades ont rencontrée.

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"Chez nous aussi"

Face à la montée de l’extrême droite en Europe, et encore tout récemment aux Pays-Bas, l’association féministe dévoile ce 14 mars une campagne intitulée "Chez nous aussi, ça pourrait arriver", qui tire la sonnette d’alarme à moins de trois mois des élections. "Face aux désillusions citoyennes et crises successives, ces partis se présentent comme une solution miracle aux maux d’une société en perte de sens", souligne l’association.

"Dans ce contexte, les débats sont en train de fortement se droitiser, par exemple sur le grand remplacement ou sur le chômeurs et chômeuses, c’est comme cela que l’extrême droite gagne du terrain dans l’opinion publique", précise aux Grenades Florence Vierendeel, chargée d’études et de communication politique au sein de Soralia.

Autre stratégie adoptée par l’extrême droite : la féminisation et la récupération du féminisme. "Historiquement, ce sont plutôt les hommes qui votent extrême droite. Ce rajeunissement et cette féminisation dans les partis d’extrême droite visent à capter le vote des femmes. Dans la lutte contre les violences faites aux femmes, l’accent va être mis sur le méchant migrant qui agresse les femmes blanches… et non sur le fait qu’il s’agit de violences systémiques, et en Europe aussi ! Cette récupération du féminisme pour propager des idées racistes est appelée fémonationalisme", analyse Florence Vierendeel.

Il faut dire aux femmes que l’extrême droite va affecter leur vie, qu’elles soient favorisées ou non, qu’elles votent à droite ou à gauche

Attaques envers les droits des femmes

"Il faut rester vigilantes sur cette question car, au contraire de ce qu’ils affirment, ces partis constituent une réelle menace pour les droits des femmes et des minorités. Ces droits sont systématiquement attaqués par l’extrême droite. Ce n’est pas une simple variable, c’est un danger aussi important que les autres quand on s’intéresse à l’extrême droite", continue-t-elle.

Les droits reproductifs et sexuels "se retrouvent en ligne de mire, dont le droit à l’avortement. C’est pourtant un enjeu de santé public important : quand l’avortement est interdit, les femmes ont recours à des avortements illégaux et plus dangereux. Des milliers d’entre elles meurent chaque année des suites d’un avortement clandestin", s’insurge Florence Vierendeel.

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L’accès aux soins de santé est d’ailleurs un aspect important : "De manière générale, l’extrême droite menace la sécurité sociale. Il s’agit d’un mécanisme de solidarité fondamental qui, s’il est détricoté, va plus impacter les femmes et les enfants. On constate que les familles monoparentales, qui comptent plus de femmes à leur tête, reportent déjà certains soins. Cela va empirer cette situation. En réalité, les droits de toutes les personnes vulnérables, les personnes sans papiers, les personnes de la communauté LGBTQIA+ sont traitées de façon très radicale par l’extrême droite. C’est une aussi une menace plus large envers la démocratie, l’extrême droite a une vision de l’autorité assez ‘dictatoriale’ et s’en prend à la liberté d’expression, la liberté de manifestation ou encore la liberté des médias. Je ne suis pas sûre que beaucoup de gens comprennent tous les impacts que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite peut avoir sur leur vie. Il faut dire aux femmes que l’extrême droite va affecter leur vie, qu’elles soient favorisées ou non, qu’elles votent à droite ou à gauche", explique-t-elle.

La dernière enquête "Noir, Jaune, Blues" a montré que près de la moitié des Belges seraient favorables à l’instauration d’un pouvoir autoritaire, jugé plus efficace, alors que certain·es Belges prônent une société plus solidaire, ce que Florence Vierendeel appelle "le grand écart".

"Il y a ces deux visions très différentes de la société qui s’affrontent et entre les deux, il reste les indécis·es. Il faut prendre conscience que notre système politique n’est pas immuable, il pourrait être modifié ou s’effondrer. C’est vrai : notre démocratie n’est pas parfaite, mais on peut la faire évoluer sans passer par un leader charismatique. Amener plus de participation citoyenne dans nos institutions par exemple", observe-t-elle.

Une BD dystopique

Pour rendre accessibles les enjeux qui entourent ces élections, la campagne pensée par Soralia est plus concrètement constituée d’une bande dessinée découpée en cinq planches dans lequel elles prédisent un futur dystopique alors que l’extrême droite accède au pouvoir en Belgique. Un avenir bien sombre pour notre pays, au propre comme au figuré, tant les dessins du dessinateur Chanic font la part belle aux couleurs noire et rouge qui donnent un rendu très dérangeant.

S’il s’agit ici d’une fiction, tout ce que l’on représente dans la BD s’est déjà produit quelque part dans le monde. A certains endroits, clairement, la réalité dépasse la fiction…

La BD illustre comment les décisions prises par un dirigeant autoritaire, jeune et propre sur lui, impactent divers droits (mariage homosexuel, droit à l’avortement accès aux soins de santé). Des clés de compréhension et de réflexions critiques sont ajoutées à la fin de la BD.

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"La lutte contre les inégalités fait depuis toujours partie de l’ADN de Soralia, mais notre approche en tant que mouvement d’éducation permanente féministe a surtout été positive et pédagogique. Avec cette campagne, nous assumons une certaine violence graphique parce qu’il est important pour nous de faire prendre conscience au public des menaces de la montée de l’extrême droite", confirme aux Grenades Elise Voillot, chargée de communication pour l’association.

"L’outil chois a été une BD dystopique parce que la dystopie permet de se poser cette question : comment cela se passerait si… ? Nous avons mené des recherches et s’il s’agit ici d’une fiction, tout ce que l’on représente dans la BD s’est déjà produit quelque part dans le monde. A certains endroits, clairement, la réalité dépasse la fiction… Il y a longtemps, Soralia avait distribué un faux journal dans le cadre d’une autre campagne. On avait envie de retrouver ce ton cynique, mais de le pousser un cran plus loin. On s’est inspirées de certains univers que nous connaissons bien, parmi lesquels V pour Vendetta ou Hunger Games", poursuit-elle.

Le choix de créer une BD n’est pas anodin. "Les arguments de l’extrême droite se base sur le concept d’hégémonie culturel, c’est-à-dire qu’ils se basent sur de l’émotionnel et du narratif, plutôt que sur des faits réels. Il faut récupérer ces récits. On peut avoir un discours raisonné, critique, mais aussi parlant visuellement pour toucher nous aussi les émotions", précise Elise Voillot.

"En Belgique, on voit déjà les prémisses de la société créée dans la BD : les attaques contre le financement de la sécurité sociale ou encore les blocages politiques pour faire empêcher de faire avancer le délai dans lequel les femmes peuvent avorter à 18 semaines. On ne peut pas laisser les choses aller plus loin. Dans une BD, on peut laisser certains aspects implicites, ce qui permet d’ouvrir les échanges et de pousser le public à former son propre esprit critique", abonde Florence Vierendeel.

Outre la BD, d’autres actions sont prévues par l’association, qui entend bien investir l’espace public avec ce sujet : en mai 2024, au plus proche des élections, auront notamment lieu une campagne générale d’affichage, ainsi qu’une action coup de poing à Mons.

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