Jardinage

La serre enterrée walipini, un nouveau concept pour nos jardins

Le walipini, une serre enterrée pour cultiver toute l'année

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Par Luc Noël

A deux pas de Tournai, Fabienne et Luc ont creusé le sol de leur jardin. Ils ont excavé 48 m³ de terre pour créer une serre enterrée walipini. L’objectif : récolter des légumes durant toute l’année.

La serre enterrée est un espace de sérénité. Les bruits du voisinage sont atténués ; votre univers se réduit aux légumes qui vous entourent. Tous les soucis de la vie peuvent être laissés en surface pour vous consacrer aux semis, repiquages et arrosages.
La serre enterrée est un espace de sérénité. Les bruits du voisinage sont atténués ; votre univers se réduit aux légumes qui vous entourent. Tous les soucis de la vie peuvent être laissés en surface pour vous consacrer aux semis, repiquages et arrosages. © Luc Noël

Leur grand terrain comporte un potager et un verger rassemblant une magnifique collection d’espèces fruitières. Une nouvelle facette vient d’être ajoutée à ce projet d’autonomie alimentaire. Une pelleteuse est venue creuser un trou de 6 m de long, 4 m de large et 2 m de profondeur qui est maintenant surmonté d’un toit translucide. Fabienne a été séduite par le concept de la serre walipini. Le mot signifie " lieu de chaleur " dans la langue des Indiens Aymaras vivant sur l’Altiplano en Bolivie.

Sur l’Altiplano en Bolivie, une serre enterrée a aussi l’avantage d’offrir moins de surface aux vents violents qui peuvent endommager une structure érigée.
Sur l’Altiplano en Bolivie, une serre enterrée a aussi l’avantage d’offrir moins de surface aux vents violents qui peuvent endommager une structure érigée. © Getty Images

La régulation de la chaleur par le sol

La vie est rude à une altitude moyenne de 3300 m, au cœur de la Cordillère des Andes. L’Altiplano est, après le Tibet, la plus haute région habitée au monde. Les journées sont chaudes, les nuits sont glaciales, le vent est rude. La sécheresse sévit, hormis durant les mois de décembre, janvier et février aux pluies diluviennes. Là-bas, la serre enterrée walipini capte pendant la journée la chaleur du soleil qui est restituée par le sol durant la nuit suivante. Grâce à cette inertie thermique, les plantes ne sont pas soumises à des écarts de température trop importants. La période de production est prolongée. La nouvelle saison de cultures peut être anticipée. C’est ce principe que Fabienne et Luc veulent exploiter dans leur jardin, arguant qu’avec les canicules que nous impose maintenant l’évolution climatique, les serres traditionnelles en verre ne conviennent plus pour les cultures estivales quand elles se transforment en fours.

Le principe d’une serre avec inertie a déjà été exploré dès le 18e siècle avec les modèles adossés. Le mur emmagasine des calories et rayonne sa chaleur durant la nuit tandis que la surface vitrée réduite évite un refroidissement nocturne trop important.
Le principe d’une serre avec inertie a déjà été exploré dès le 18e siècle avec les modèles adossés. Le mur emmagasine des calories et rayonne sa chaleur durant la nuit tandis que la surface vitrée réduite évite un refroidissement nocturne trop important. © Getty Images

La walipini, c’est suisse !

On pourrait penser que les serres walipinis constituent un savoir-faire ancestral des Aymaras, cette minorité ethnique précolombienne vivant sur les hauts plateaux montagneux. Il n’en est rien. C’est un ingénieur suisse, Peter Iseli, venu dans les années 90 en Bolivie dans le cadre d’un projet de coopération financé par des fonds européens, qui a mis en place cette technique de culture. L’objectif était d’améliorer la subsistance des populations dont les cultures traditionnelles, l’orge, le quinoa, le haricot sec et la pomme de terre, sont mises à mal par le réchauffement climatique. La mort inopinée de Peter Iseli laissa le projet en l’état. Comme la culture dans les serres demande beaucoup d’implication, comme ce travail n’est pas usuel, puisque les légumes ne font pas partie du régime alimentaire habituel, les serres furent abandonnées.

Avec leur petit volume complètement vitré, avec leurs aérations en nombre limité, les serres en aluminium du commerce se révèlent inadaptées aux périodes de canicule. La température intérieure beaucoup trop importante est défavorable aux plantes.
Avec leur petit volume complètement vitré, avec leurs aérations en nombre limité, les serres en aluminium du commerce se révèlent inadaptées aux périodes de canicule. La température intérieure beaucoup trop importante est défavorable aux plantes. © Getty Images

Un nouveau projet économique

C’est une panne de voiture qui permit à Michael Gemio, un homme d’affaires, de découvrir par hasard les serres en partie effondrées qui avaient été créées par Peter Iseli. Il en perçut le potentiel économique, acheta le site, restaura les serres et y développa la culture de laitues, de bettes, d’épinards, de choux et de plantes aromatiques à destination de la capitale La Paz. Une plante encore inconnue a fait la renommée des serres : la mâche qu’avait introduite Peter Iseli. Elle a rencontré un immense succès et est maintenant appelée " la salade suisse ". C’est la " Ventilla Ecofarm " de Michael Gemio qui a été le point de départ de la renommée internationale des walipinis boliviennes, que l’on compte maintenant par centaines dans la région de La Paz.

Les walipinis séduisent la nouvelle génération de jardiniers désireuse de reprendre le contrôle de son alimentation, en produisant en circuit court des légumes disponibles durant une longue période, sans nécessité d’énergie pour la conservation.
Les walipinis séduisent la nouvelle génération de jardiniers désireuse de reprendre le contrôle de son alimentation, en produisant en circuit court des légumes disponibles durant une longue période, sans nécessité d’énergie pour la conservation. © Luc Noël

La serre walipini, mode d’emploi

Après le creusement du trou, Fabienne et Luc ont planté le long des parois des piquets d’azobé sur lesquelles ont été fixées horizontalement des planches afin de retenir les terres. Elles sont doublées du côté extérieur par un film plastique. Luc a traité les planches à la bouillie bordelaise afin de prévenir le pourrissement. Disposés en fer à cheval, les bacs de culture permettent le travail à hauteur des mains. Il est essentiel d’y disposer de la bonne terre de potager dont la vie biologique sera entretenue par des apports de compost. C’est avec des matériaux de récupération que Luc a construit la charpente portant le toit translucide en polycarbonate double épaisseur.

Par rapport à une bâche translucide en polyéthylène pour serre tunnel, traitée pour être résistante aux rayons ultraviolets du soleil, les panneaux en polycarbonate double épaisseur ont l’avantage d’une plus longue durabilité et d’une meilleure isolation.
Par rapport à une bâche translucide en polyéthylène pour serre tunnel, traitée pour être résistante aux rayons ultraviolets du soleil, les panneaux en polycarbonate double épaisseur ont l’avantage d’une plus longue durabilité et d’une meilleure isolation. © Luc Noël

Les points importants : l’orientation, la ventilation, l’arrosage

La serre walipini est orientée au sud, sans obstacle qui créerait de l’ombre sur le toit translucide. Son versant est placé de sorte que les rayons du soleil l’atteignent à 90 ° durant l’hiver pour bénéficier du meilleur apport de chaleur. La serre est fermée par une porte et doit bénéficier d’un accès aisé. Fabienne et Luc ont placé un escalier métallique de récupération. Il est aussi possible de creuser une rampe d’accès en pente douce. Des gouttières récupèrent l’eau de pluie. Chez Fabienne et Luc, elle parvient dans deux citernes de 1000 l en vases communicants disposées dans la serre. Elles accentueront le rôle de volant d’inertie pour la régulation de la température. Enfin, il ne faut pas oublier la ventilation. L’humidité excessive de l’air doit être évacuée pour éviter les maladies cryptogamiques. Des vasistas doivent être présents dans le toit. Luc a placé un gros tuyau apportant dans le bas de la serre de l’air extérieur. Cet apport améliorera la ventilation. Un ventilateur déclenché par une sonde pourra accentuer l’apport d’air frais via le tuyau en cas de température trop importante.

D’une contenance de 1000 litres, les citernes sur palette sont disponibles d’occasion via les sites de petites annonces. Préférer celles pour produits alimentaires plutôt que des modèles ayant contenu des produits toxiques.
D’une contenance de 1000 litres, les citernes sur palette sont disponibles d’occasion via les sites de petites annonces. Préférer celles pour produits alimentaires plutôt que des modèles ayant contenu des produits toxiques. © Luc Noël

Gare aux inondations

Un point essentiel ne peut être négligé : les pluies. Après une averse abondante, quelle déception de constater que la serre walipini s’est transformée en piscine ! Si le sol est peu perméable, l’eau s’accumule dans le volume souterrain et peut atteindre une hauteur impressionnante. Plusieurs jours de patience sont nécessaires avant que la serre ne soit à nouveau accessible. Avec l’évolution climatique, nos hivers sont davantage pluvieux et un tel épisode risque bien de n’être pas isolé. Si les plantes se développent dans des bacs surélevés à l’abri de la montée des eaux, ce n’est pas dramatique. Si elles sont submergées, c’est la catastrophe.

A l’arrière des planches retenant les terres, Fabienne et Luc ont tendu une feuille de plastique noir qui guide la percolation des eaux de pluie en profondeur.
A l’arrière des planches retenant les terres, Fabienne et Luc ont tendu une feuille de plastique noir qui guide la percolation des eaux de pluie en profondeur. © Luc Noël

Prévenir la montée des eaux

Comment éviter que la serre se remplisse d’eau ? Les parois doivent être rendues étanches par la pose d’un film plastique. Un puits de percolation peut être creusé et rempli de graviers pour une évacuation plus efficace de l’eau qui suinte. Il est aussi possible d’entourer à l’extérieur la serre de tuyaux de drainage pour capter l’eau de pluie qui percole, mais il faut bien sûr que cette eau puisse être évacuée. En fait, dans un terrain au sol argileux lourd qui se gorge rapidement d’eau, il faut envisager la création d’une serre walipini avec beaucoup de prudence.

Une serre walipini doit être aérée, car l’espace souterrain risque de concentrer une humidité trop importante, favorisant les maladies cryptogamiques. L’apport d’air extérieur peut aussi rafraîchir la serre en cas de température trop importante.
Une serre walipini doit être aérée, car l’espace souterrain risque de concentrer une humidité trop importante, favorisant les maladies cryptogamiques. L’apport d’air extérieur peut aussi rafraîchir la serre en cas de température trop importante. © Luc Noël

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