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Patrimoine

Les Jeux olympiques de Berlin 1936 : Pierre de Coubertin avait cautionné l’événement, le boycott annoncé n’a pas eu lieu

L'Oeil dans le Rétro

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Par Pierre Marlet

S’il y a bien des Jeux olympiques dont tout le monde a entendu parler, ce sont ceux de 1936. En raison de la personne qui dans le stade, selon le protocole, en déclare l’ouverture le 1er août : Adolf Hitler. Après les différentes polémiques racistes, comme aux Jeux olympiques de Saint-Louis en 1904, les JO de Berlin 1936 ont retenu toute l’attention sur ces sujets. Retour sur les Jeux de la honte dans le podcast L’Œil dans le rétro.

Pourquoi donc le Comité international olympique fait un tel honneur au dictateur nazi ? La décision d’attribuer les Jeux de 1936 à Berlin a été prise deux ans avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler, soit en 1931. Berlin l’emporte sur Barcelone, également candidate, pour deux raisons :

  • La capitale allemande avait déjà été choisie en 1916, mais la guerre avait empêché le déroulement de la 5e olympiade.
  • Le retour de l’Allemagne à la fin des années 20 au sein du Comité international olympique était vu comme une réconciliation et un gage de paix.

Les Jeux olympiques de Berlin : une démonstration de force de l’Allemagne nazie

Le CIO n’a donc pas attribué les jeux à Hitler, mais n’a pourtant pas empêché l’Allemagne nazie d’accueillir la 11e olympiade. À l’inverse, au départ, le comité olympique s’est plutôt demandé si ce n’étaient pas les nazis eux-mêmes qui allaient y renoncer. Parce que l’idéologie nazie, raciste et belliqueuse, semble à première vue aux antipodes du mouvement olympique de coopération internationale par le sport, par-delà les différences avec cette idée que l’important c’est avant tout de participer. D’ailleurs, les responsables du Comité olympique allemand, inquiets à l’arrivée au pouvoir de Hitler, vont le voir pour le sensibiliser aux Jeux olympiques de Berlin.

Le dictateur comprend immédiatement l’opportunité que représentent ces Jeux : démontrer la puissance de l’Allemagne et faire venir le monde entier à Berlin pour en être le témoin. Il demande donc à son maître en propagande, Joseph Goebbels de prendre les choses en mains. Et il donne les moyens financiers pour y parvenir avec des investissements massifs et la construction d’un stade monumental flambant neuf : rien ne sera trop beau pour ces Jeux.

Le CIO cautionne l’organisation des JO à Berlin malgré les appels au boycott

Hitler Leading Olympic Officials into Stadium

Entre 1933 et 1936, l’Allemagne prépare donc activement les Jeux de Berlin. En même temps l’antisémitisme se concrétise : les Juifs sont exclus des fonctions publiques et interdits de se marier avec des non-Juifs.

Au sein du mouvement olympique, ces mesures ne restent pas sans réaction. Les États-Unis proposent de boycotter l’événement parce qu’y participer reviendrait à cautionner le nazisme et l’exploitation qu’il pourrait faire des Jeux de Berlin.

Le débat devient vif en Europe aussi, notamment sous l’influence des communistes qui prônent aussi le boycott. Face au danger, les Nazis lancent alors une opération séduction via un homme qui vit assez reclus, à Lausanne : Pierre de Coubertin. Flatté qu’on fasse appel à lui, le père du mouvement olympique intervient alors sur les ondes : "Dès aujourd’hui, je veux remercier le gouvernement et le peuple allemand pour l’effort dépensé, en l’honneur de la 11e olympiade. J’ai l’impression que toute l’Allemagne, depuis son chef jusqu’au plus humble de ses écoliers souhaite ardemment que la célébration de 1936 soit la plus belle que le monde ait vue".

Ces paroles sont assez édifiantes de l’aveuglement envers le nazisme qui caractérise les années 30. Le successeur de Pierre de Coubertin à la tête CIO, le Belge Baillet-Latour, fait aussi preuve de naïveté en se satisfaisant des promesses apaisantes de Hitler qui a atténué les discriminations contre les Juifs l’espace d’un été. Les Jeux de Berlin ont donc bien lieu, pour la plus grande gloire du nazisme et de son chef.

La supériorité allemande ne peut cacher le triomphe de Jesse Owens

James Cleveland (Jesse) OWENS,   (*1913-1980+)  , American athlete - 1936 Summer

Sur le plan sportif c’est d’ailleurs l’Allemagne qui récolte le plus grand nombre de médailles devant les États-Unis, pour la seule et unique fois de son histoire.

À l’image du fascisme italien, le régime nazi n’a pas lésiné pour créer une élite sportive qui doit démontrer la supériorité de la race aryenne. Seul bémol dans ce triomphe : le véritable héros de ces jeux n’est pas aryen, n’est pas allemand et n’est pas blanc. Le sprinter Jesse Owens remporte le 100 mètres devant Ralph Metclafe, déjà battu à la photo finish quatre ans plus tôt à Los Angeles par Eddie Tolan.

Jesse Owens à Berlin est même quatre fois médaillé d’or : sur 100 mètres, 200 mètres, 4x100 mètres et saut en longueur. On a souvent dit et écrit que cette supériorité d’un Afro-américain dans ces épreuves mythiques avait agacé le Führer, c’est possible. Mais Owens rappela que quand il est rentré aux États-Unis, il ne pouvait pas s’asseoir à l’avant des autobus publics. La ségrégation dans le sud des États-Unis restait une réalité.

Le parcours de la flamme olympique lancé en 1936

Aerial View of Berlin Olympic Stadium

Ces Jeux de 1936 ont été déterminants pour l’Histoire. Aujourd’hui, il reste encore des traces de cet événement. D’abord le stade, voulu par Hitler, a miraculeusement survécu aux destructions de la Seconde Guerre mondiale. L’Olympiastadion a abrité la finale de la Coupe du monde 2006 entre l’Italie et l’Allemagne. Et c’est dans ce même stade qu’aura lieu dans quelques mois la finale de l’Euro.

Quant à la tradition olympique que l’on doit aux Jeux de Berlin, c’est l’allumage de la flamme, qui se faisait depuis 1928, à Olympie et le relais entre cette cité grecque et le lieu qui héberge les Jeux. Évidemment, aucun des pays accueillant les Jeux aujourd’hui ne rappelle que cette cérémonie a été inaugurée pour ces Jeux de 36 à jamais associés au nazisme.

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