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31 chansons pour Taylor Swift : l'étonnant secret derrière ces albums parfois très longs

© Ashok Kumar – Getty Images

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Par Malaïka Mukaz

Le nouvel album de Taylor Swift, "The Tortured Poets Department", est sorti deux heures juste avant le double album "The Tortured Poets Department : The Anthology". Composé de 31 morceaux, il soulève une question pertinente à l’ère de la digitalisation : si les artistes ne s’enrichissent plus grâce à leurs albums, pourquoi en sortent-ils encore ?

Alors qu’elle est actuellement en pleine tournée, Taylor Swift a sorti son 11e album studio, "The Tortured Poets Department", comprenant 16 titres juste avant d'en publier la version longue, "The Tortured Poets Department : The Anthology", un double album de 31 titres.

L’ensemble porterait sur le thème favori de la méga popstar : ses ruptures. Si on en croit les rumeurs, elle , elle parlerait d’une rupture précise : celle avec l’acteur anglais Joe Alwin avec qui elle a eu une relation entre 2016 et 2023.

Les ruptures sur de la pop, c’est clairement un des ingrédients du succès de Taylor Swift qui, lorsqu’elle chante les débris de son cœur, permet à un grand nombre de personnes de se reconnaître, voire de se projeter. En proposant une musique très lisse, sans vulgarité mais aussi sans engagement, Taylor se positionne en chouchoute de l’Amérique et particulièrement de l’Amérique puritaine qui représente la majorité de sa large fanbase composée de "swifties". Des fans très fidèles sur qui l’interprète de "Shake It Off" peut compter lorsqu’il s’agit de consommer sa musique en abondance et d’assister à ses concerts.

Selon le magazine Forbes, Taylor Swift est "la première artiste à devenir milliardaire uniquement grâce à sa musique". À seulement 34 ans, elle totalise 1,1 milliard de dollars (875 millions d’euros). Le magazine écrit que "Swift est la première musicienne à atteindre ce statut à dix chiffres uniquement grâce à ses chansons et ses performances" et précise qu’environ 500 millions de dollars proviennent des droits d’auteur de Taylor ainsi que de ses tournées, notamment "The Eras Tour" qui lui a rapporté une somme astronomique. Son travail musical lui a rapporté un montant similaire et les 125 millions restants proviennent de ses biens immobiliers.

Contrairement à Taylor Swift, les plus grandes stars milliardaires de la musique telles que Jay-Z ou Rihanna le sont grâce à leurs business. En effet, Jay-z doit la plus grosse part de sa fortune à son investissement dans l’art et à ses multiples parts dans des entreprises. Quant à Rihanna, c’est Fenty Beauty qui a gonflé son compte en banque faisant d’elle une business woman redoutable. Aujourd’hui, les albums ne représentent plus le noyau des revenus des artistes alors pourquoi en sortent-ils encore ?

Un changement dans les habitudes de consommation

Avec l’avènement du streaming, la manière dont nous consommons la musique a changé. À ce phénomène, s’ajoute le manque de temps. Ecouter un album en entier est devenu un luxe mais aussi un moyen de montrer aux autres que nous sommes des mélomanes avertis et des personnes cultivées. Il s’agirait même d’un luxe générationnel. En effet, en 2019, la plateforme Deezer avait mené une étude au Royaume-Uni et les résultats affichaient que 15% des moins de 25 ans n’ont jamais écouté un album dans son intégralité. Au début de l’année 2020, l’étude, qui avait été élargie, a été menée en France, en Allemagne, au Brésil et aux Etats-Unis et les résultats étaient similaires. Jack rapporte que "40% des sondés préfèrent les playlists, contre seulement 9% favorisant les albums" et ajoute que la tendance est en progression : "54% avouent écouter moins d’albums qu’il y a cinq ou dix ans. Plus encore, même ceux qui écoutent un album le font de manière morcelée : beaucoup le font dans un ordre aléatoire, ou en passant certains morceaux. Ils ne sont que 36% à écouter les disques dans l’ordre".

Pourtant l’album n’est pas désuet et est même un format qui est plus proposé aujourd’hui qu’à l’époque où la musique était matérialisée : aucune semaine ne s’achève sans la sortie d’un album. Ce qui nous met face à un flux musical beaucoup trop abondant. Mais si on regarde plus attentivement, on se rend compte que le format a évolué et s’est adapté à nos habitudes de consommation.

Moins de temps pour écouter de la musique mais une proposition toujours plus importante ? Pas de problème, les plateformes de streaming ont la solution. Sur ces dernières, ce sont les playlists proposées par l’algorithme sur base de nos goûts qui nous mènent à des pépites insoupçonnées ou aux morceaux d’un album qu’on n’a pas eu le temps d’écouter. Et c’est dans cette logique que les labels et les artistes proposent encore ce format.

De nos jours, beaucoup d’artistes proposent des albums d’une trentaine de morceaux comme ici avec le double album "The Tortured Poest Department : The Anthology". Le but étant qu’un grand nombre de ces morceaux s’insèrent dans les playlists, jouant ainsi le rôle de compilations faites sur mesure et proposées par l’algorithme pour favoriser le nombre de streams. Plus il y a de chansons, plus il y a de chances qu’elles figurent dans plusieurs playlists et arrivent aux oreilles de consommateurs qui ont des goûts assez proches mais pas similaires. Le chanteur Chris Brown est d’ailleurs un adepte de ces albums à rallonge pour optimiser ses chiffres : "Dans un post Instagram aujourd’hui supprimé, il leur [ses fans] donnait des instructions précises : acheter l’album, partager la facture d’achat sur les réseaux sociaux, créer des comptes sur les plateformes Spotify et Apple Music pour streamer en boucle… ", écrit Noémie Taty pour Yard.

 

L’EP comme remplaçant ?

À côté de l’album, il y a l’EP. Plus court, il permet aux artistes de proposer de la musique sans trop de temps d’attente (car on observe aussi une tendance à l’impatience du côté des consommateurs, les plongeant alors dans une consommation "fast-food"). Par ailleurs, l’EP offre également aux musiciens la possibilité de proposer quelque chose qui sort un peu de leur univers sans prendre trop de risques. Et dans la même logique que l’album, les morceaux qui composent l’EP vont s’insérer dans les fameuses playlists sur les plateformes.

Malgré tous ses avantages, l’EP ne semble pas être une solution pour balayer l’album qui demande pourtant du temps aux artistes et coûte de l’argent.

Il semblerait en fait que l’album n’est tout simplement pas synonyme de contrainte car labels et artistes connaissent sa position. Les labels, eux, misent sur la quantité et vont en proposer de beaucoup d’artistes différents. Les artistes, passionnés mais conscients que leur fortune ne repose plus sur la vente d’albums et qu’ils doivent se mettre au diapason des habitudes de consommation, continuent néanmoins de sortir des projets car, comme leurs auditeurs "plus âgés", c’est ce qu’ils ont toujours connu. Si les moins de 25 ans ont donc tendance à ne pas écouter d’albums en entier, les plus âgés sont toujours attachés à ce format que des artistes affectionnent encore. Les bénéfices seront alors faits sur la tournée (ou juste les concerts) qui suivra l’album ainsi que sur le merchandising. Pour ceux dont la digitalisation représente une part importante dans leur stratégie, le but sera alors de proposer un projet d’une trentaine de titres destinés à intégrer les playlists des plateformes de streaming afin de faire du chiffre. Les revenus seront alors complétés par la tournée (ou concerts) et le merch également. Mais en tout cas, il est évident que les artistes ne comptent plus sur les albums pour s’enrichir. N’est pas Taylor Swift qui veut !

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