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Patrimoine

L’Empire babylonien : entre mythes et réalités

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Par Sarah Poucet

7e siècle avant notre ère, Nabopolassar, fondateur de l’Empire babylonien, s’empare de l’Empire assyrien. Il fonde l’Empire Babylonien, ensuite repris par son fils Nabuchodonosor qui va le magnifier. Pourquoi l’Empire babylonien est-il devenu si légendaire, alors qu’il ne dure même pas un siècle ? Pourquoi les Babyloniens, qui fascinent tant, jouissent-ils d’une réputation exécrable de férocité et de débauche ? Confrontons le mythe à l’Histoire… Josette Elayi, autrice de L’Empire babylonien – Entre haine et fascination est l’invitée de Laurent Dehossay dans Un Jour dans l’Histoire.

C’est d’abord sous le roi Hammurabi près de 1800 ans avant notre ère que Babylone est élevée au rang de puissance, durant la Première dynastie de la cité. Il s’agit alors du royaume amorrite de Babylonie car Hammurabi est issu des Amorrites, un peuple nomade venant de Syrie. Son nom nous est encore familier pour le code Hammurabi. Il s’agit de l’unification des différentes lois qui existent à l’époque dans les villes babyloniennes. "En réalité, il y avait d’autres codes préexistants dont il s’est inspiré pour composer le sien. Il y a même des copiés-collés avec des parties de codes sumériens." souligne Josette Elayi. Le royaume babylonien doit ensuite faire face à plusieurs invasions jusqu’à subir un siècle de domination assyrienne de 728 à 626 avant Jésus-Christ.

La tablette de fondation de Babylone par le Roi Hammurabi, 18e siècle av. J.-C., Paris, Musée Du Louvre.
La tablette de fondation de Babylone par le Roi Hammurabi, 18e siècle av. J.-C., Paris, Musée Du Louvre. © De Agostini via Getty Images – DEA / G. DAGLI ORTI

La création de l’Empire babylonien

En vert, reconstitution de l’empire néo-babylonien sous Nabonide.
En vert, reconstitution de l’empire néo-babylonien sous Nabonide. © CC BY-SA 3.0 Wikimedia commons

Sous l’Empire babylonien, tous les rois sont issus des anciennes tribus araméennes, arabes ou chaldéennes. Toutes originaires de Syrie, elles sont organisées sur un système de clans et se sont enrichies dans le commerce caravanier. La vente d’encens notamment leur a permis de faire fortune et de se sédentariser. Le roi Nabopolassar vient d’une tribu chaldéenne. C’est lui qui va entreprendre de libérer Babylone du siège assyrien. A l’aide des Mèdes, il va reprendre le contrôle des terres perdues mais aussi en conquérir de nouvelles. Au terme de 17 années de combat, il parvient à bâtir l’Empire babylonien.

Déjà âgé, il va confier à son fils Nabuchodonosor la poursuite de la conquête militaire vers la Syrie. Nabuchodonosor est donc d’abord un guerrier, "c’est lui qui va chasser les Egyptiens du Moyen-Orient". Mais c’est aussi un homme de lettres, très cultivé et savant, notamment en matière de divination. Pourtant, dans ses écrits, il n’évoque jamais ses combats et ses conquêtes, il ne se présente pas en guerrier. "Il parle uniquement de construction alors que c’est un conquérant comme les autres, qui a fait des massacres, déporté des populations, ce qui est tout à fait inacceptable bien sûr."

La construction de Babylone

The Tower of Babel, also known as Etemenanki (Temple of the foundation of heaven and earth), drawing.

La construction de la magnifique cité de Babylone avait déjà débuté sous Nabopolassar. Le roi entreprend tous les travaux nécessaires pour consolider le pays qu’il a récemment conquis. Ainsi, les murailles sont reconstruites, les rives des cours d’eau sont renforcées. Il reconstruit également le palais royal ou la ziggurat Etemenanki, nom donné au temple principal dédié au dieu Marduk, le dieu protecteur de Babylone. Mais c’est bien son fils, Nabuchodonosor, qui va poursuivre le travail et véritablement magnifier le royaume.

Tout l’Empire est organisé à cette fin. "Toute la périphérie n’existe que pour Babylone. Elle fournit des richesses et de la main-d’œuvre pour construire les temples de Babylone." Selon les écrits retrouvés, Nabuchodonosor est "un roi extrêmement pieux qui dit avoir tout fait pour le dieu Marduk". Ainsi, il rénove de nombreux temples et donne notamment sa forme finale, entourée de briques, à la ziggurat Etemenanki, monument qui aurait inspiré la Tour de Babel. Celle-ci s’élève à 90 mètres au-dessus du sol et abrite en son sommet un observatoire. "L’astronomie et l’astrologie étaient très développées sous l’Empire babylonien. Les astronomes allaient travailler au sommet de cette tour et observer les astres."

L’eau, une ressource capitale pour Babylone

L’un des gros chantiers entrepris par Nabopolassar et poursuivi par son fils est aussi la modernisation du système d’acheminement de l’eau. A Babylone, zone désertique, " l’eau est capitale ". Le système d’irrigation déjà présent a donc été repris et amélioré.

La cité doit aussi faire face à un problème de taille : le niveau de l’Euphrate est très instable. Ainsi, son eau monte en même temps que les nappes phréatiques. Cela a endommagé plusieurs bâtiments. Plusieurs portes, comme celle d’Ishtar, la porte d’entrée de la cité, ont dû être reconstruites car le niveau de l’eau était monté. "Il y a donc aussi des contrôleurs d’eau dans la cité."

L’eau est aussi utilisée comme système de défense, dans les douves mais aussi dans un large périmètre de sécurité autour de Babylone. En cas d’invasion ennemie, cette zone était inondée pour isoler Babylone. Le roi perse Cyrus, qui va prendre la cité, patientera d’ailleurs jusqu’à la baisse des eaux pour attaquer.

La porte d’Ishtar reconstruite au Musée Pergamon à Berlin (2019).
La porte d’Ishtar reconstruite au Musée Pergamon à Berlin (2019). © Christoph Soeder/dpa/Getty Images

Les sources iconographiques de Babylone

Tous ces travaux ont été précisément documentés. Plus d’un million de tablettes cunéiformes ont été retrouvées ainsi que de très nombreux parchemins, écrits en araméen la langue populaire de Babylone. Les archéologues sont aussi tombés par hasard sur la bibliothèque du temple Marduk qui abritait des milliers de tablettes dont un grand nombre est aujourd’hui au British Museum.

Josette Elayi évoque quelques ressemblances avec nos bibliothèques actuelles. Même si les tablettes sont bien plus encombrantes que nos livres d’aujourd’hui, elles sont aussi classées en rayonnages, dans des casiers et numérotées. "Il y avait à la fin du livre ce qu’on appelle le colophon, ça correspond à l’intitulé de nos livres c’est-à-dire le nom de l’auteur, le titre, la date."

Première phase d’excavations de la Porte d’Ishtar en Irak. 20e siècle.
Première phase d’excavations de la Porte d’Ishtar en Irak. 20e siècle. © De Agostini via Getty Images – DE AGOSTINI PICTURE LIBRARY

L’héritage de Nabuchodonosor

Nabuchodonosor meurt en 562 avant notre ère, à sa mort tout le Proche Orient est sous contrôle babylonien. Mais en quelques années, l’Empire va décliner. Pour Josette Elayi, la raison de ce déclin se trouve dans l’idéologie même de la cité. La structure place Babylone au centre de tout, et toutes les richesses sont réservées aux dieux. La défense des territoires conquis est largement négligée au profit de la fortification de la cité, par plusieurs murs d’enceinte. " Ce qui n’a servi à rien car le roi des Perses, Cyrus, a conquis Babylone en deux semaines par la ruse, et n’a rien détruit. "

Si l’Empire Babylonien n’a survécu qu’un siècle, son aura et surtout celle du roi Nabuchodonosor, a traversé les époques. Son nom est pour toujours associé à la destruction du Temple de Salomon et à l’exil vers Babylone décrits dans l’Ancien Testament. Mais son nom est aussi devenu un nom commun en référence à la démesure de sa cité " Si vous prenez une bouteille de champagne de quinze litres, cela s’appelle un Nabuchodonosor ! "

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