Musique

Bonnie Banane se confie sur son album Nini : "Grâce à la musique, j’ai appris à respirer"

© Pablo Jomaron

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Par Constance Canat

En ce début du mois d’avril sortait Nini, deuxième album de Bonnie Banane. En 12 ans, l’autrice compositrice et interprète s’est imposée singulièrement dans le paysage musical français. Enigmatique, elle a su séduire son public avec brio par son allure unique et fascinante pleine de contrastes. Quelques jours avant son passage attendu aux Nuits Botanique, on a eu l’occasion d’échanger quelques mots avec elle à propos de cette sortie et de son parcours.

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C’est une Bonnie Banane radieuse que l’on a au bout du fil, comme délivrée par la sortie de ce disque dont elle est très fière et sur lequel elle revient avec émotions. " J’aurais aimé qu’il sorte même avant, j’étais prête. Je pense qu’on partage une fierté avec tous les gens qui l’ont fait, mais aussi une joie. On a passé de très bons moments à le faire, on a bien rigolé. Il y a eu des moments difficiles, surtout au mix qui fut fastidieux, avec beaucoup de doutes dans le process… Mais là je suis très heureuse des retours. " Apaisée, satisfaite donc de cet album dont elle parle comme d'une amulette, elle a de grandes ambitions pour lui :

Je souhaite une longue vie à cet album, j’ai l’espoir, l’envie et l’intention que ça devienne une sorte de classique dans une certaine histoire de la musique française.

Puissant, cet album est aussi percutant qu’il est surprenant, propre à l’image éclectique de Bonnie Banane. Oscillant entre R&B, jazz, et même rock, entre le français et l’anglais, il revêt des airs surréalistes de cadavres exquis. Au-delà de la personnalité de son autrice, cela révèle aussi un travail de groupe. Deux ans plus tôt, elle rencontre le musicien Janoya, qui lui envoie une prod, sorte de démo piano voix. " Je n’écoute jamais ce qu’on m’envoie, j’aime bien avoir un rapport frontal et vivant à la création, pas un truc par mail. Et là j’ai écouté et j’ai adoré, j’ai eu un good feeling. " Ils commencent alors à travailler ensemble, puis invitent leur ami commun Monomite, un de ses plus vieux amis musiciens. Le Québécois d’adoption Félix Petit viendra co-réaliser l’album avec elle, et l’équipe de Motorbass mixer le tout avant le master d’Emilie Daelemans. " Cet album-là, il ressemble à tous les musiciens qui ont participé aux enregistrements, qui ont composé et qui ont chanté dessus. C’est notre point commun. "

© Pablo Jomaron

Si aujourd’hui elle fait la part belle au travail collectif, enchaînant les brillantes collaborations notamment avec Myth Syzer, Flavien Berger, Sabrina Bellaouel ou Chilly Gonzales pour ne citer qu’eux, cela n’a pas toujours été le cas. " J’ai commencé à faire de la musique seule, vraiment dans mon intimité et ma solitude, dans le secret. Sans vraiment décider de le faire, c’est venu avec beaucoup de naturel et très peu de conscience vive, un peu par accident et à tâtons. " Pendant des mois, elle crée sans en parler, avant le passage d’un pote chez elle à qui elle ose faire écouter sa musique. Elle commence alors à collaborer avec lui et à s’ouvrir petit à petit, assumant ce qu’elle fait. " Cela s’est fait de façon intuitive, sans vraie décision mais plus par autorisation. Même là, plus ça va, plus je m’autorise de choses. C’est une sorte de recherche de détente, de synthèse, de plaisir plus qu’autre chose. "

Poursuivant aujourd’hui cette quête d’autorisation, elle assume dans cet album " une certaine colère qui n’est pas forcément très jolie, pas forcément très intelligible". S’y joignent les thèmes récurrents de son œuvre, l’amour et le désir qu’ils soient vivaces ou refrénés. Elle les sublime avec les mots, à l’aide de formules qu’elle invente, de phrases qu’elle a envie de faire entendre et qu’elle place comme sur un piédestal. Influencée presque inconsciemment par sa formation en arts dramatiques, elle construit une histoire où elle amène ses personnages, comme Sacha et l’Amour, nous embarquant dans son univers " à la recherche de l’instant présent et de la magie " sur fond de société. Elle crée une œuvre qui tend vers l’intemporel, " j’essaie aussi de faire en sorte que ces chansons, j’ai envie de les chanter dans 30 ans, de n’en garder que l’essentiel, que le suc, l’essence de l’intention. Je donne rendez-vous au moment présent. "

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Cette intemporalité se doit aussi aux émotions qu’elle parvient à transmettre au fil des sons, conciliant les larmes et le rire. Parfois sensible et douce comme sur la chanson The Nap Song, parfois révoltée dans Franchement ou violente avec Hoes of Nas, résolument le titre le plus rock du disque, séductrice et joueuse dans Toi ou Moi ? (Sacha II). Son album a presque failli porter le nom de la chanson qui le clôture Joie Intense, Tristesse Profonde, Angoisse Mondiale. Reflétant les émotions d’une vie, la musique lui permet non seulement de canaliser ses sentiments mais aussi de les guérir.

Je pense que ça m’a sauvé l’esprit, que je me suis sauvée en m’autorisant à faire ça. Tout simplement parce qu’il y a des choses que j’arrive à transformer grâce à la musique, à l’écriture et au chant. Même le chant, cela m’a permis d’avoir beaucoup moins mal au ventre et d’apprendre à respirer ! Mon émancipation est liée à ça. Cela m’a permis d’être fière de moi et de m’en foutre de rendre fiers les gens. Ma vie a bifurqué.


Et cela, elle le partage par sa façon de créer du liant, de l’art et de la beauté dans les rapports, engendrant de bons souvenirs avec les gens qui l’entourent. " Quoi qu’il nous arrive, quoi qu’il se passe, qu’on meure, qu’on se chamaille, qu’on s’éloigne, on aura cela comme lien de notre union. C’est fondamental et spirituel. "

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Elle se dresse comme une icône dans le paysage musical francophone, tout autant plébiscitée dans les pages de Libération que celles de Vogue ou Numéro. Femme aussi fatale que badass, femme surtout libre, aucune étiquette ne lui colle à la peau, mis à part celle qu’elle se crée. " Bonnie Banane, c’était à la fois un mélange entre une strippeuse et un clown. On peut dire que c’est ça, entre quelqu’un qui fait du stand up et une femme fatale. " C’est peut-être sa façon de se déconstruire, se dévoilant en toute franchise malgré les costumes dont elle peut se parer qui la rend si touchante, aussi insaisissable qu’accessible. Portée par la musique, elle y véhicule à son tour la force qu’elle lui donne.

C’est un don de soi qui me motive et donne une valeur beaucoup plus grande à ce que je fais. Qu’on puisse communier et donner quelque chose à voir, à penser et à chanter. C’est ce que je peux faire de mieux, dans cette vie en tout cas. 

© Pablo Jomaron

Pas exactement ancrée dans la société pour autant, elle s’adresse à un public qui la comprend, fait de gens extrêmement différents, sans en cibler particulièrement. " La musique que je propose, elle ne peut pas faire l’unanimité. J’aimerais bien vivre dans un monde où ce genre de musique fait l’unanimité, mais ce n’est pas vraiment réaliste ." La tête sur les épaules, elle reconnaît qu’elle ne les a pas forcément pour assumer un public de grande audience non plus, mais qu’elle les a pour quelque chose de plus confidentiel, dans une certaine niche, où elle peut rencontrer un public touché par sa sensibilité.

Laissant s’exprimer sur scène toutes les facettes de son univers, c’est avec impatience que l’on attend de l’y découvrir ce 25 avril sous le Chapiteau des Nuits Botanique. Le public belge est incroyable, c’est l’un des meilleurs publics que j’ai eus. C’était fou ! " A trois sur scène, ils défendront beaucoup de chansons de ce nouvel album. " Ça va être notre quatrième concert, donc on est encore tout frais ! On a hâte de partager ça avec vous, la Belgique. " Et nous aussi, on a hâte : Jam sera en direct des Nuits Botanique ce 25 avril de 18h à 20h, et on y attend Bonnie Banane !

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