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Belgique

Les serres royales de Laeken ouvertes au public : comment aborder la remise à neuf de ce trésor alliant vert, fer et verre ?

Vue extérieure des serres royales de Laeken.

© Getty

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InfoPar Olivier Arendt

Les serres de Laeken ouvertes au public à partir de ce vendredi 26 avril et jusqu’au 20 mai. Le succès de ce rendez-vous incontournable du printemps ne se dément pas puisque tous les billets d’entrée ont été vendus. Les serres de Laeken, ce sont des couleurs chatoyantes et des variétés de plantes exceptionnelles mais leur écrin est tout aussi prestigieux. Un écrin qui entame une future restauration.

En mars 2024 en effet, la Régie des Bâtiments a dévoilé un nouveau marché pour la restauration de la majestueuse serre "Jardin d’Hiver" des Serres Royales de Laeken, un projet d’une envergure historique et botanique sans précédent. Les travaux devraient avoir lieu en 2025 pour une fin de chantier prévue en 2026. La préparation de ce chantier hors normes est bien avancée. Il reste maintenant à trouver un entrepreneur capable de relever le défi.

Une histoire imposante

La serre du "Jardin d’Hiver", conçue par l’architecte belge Alphonse Balat entre 1874 et 1876 sur commande de Léopold II, incarne à elle seule l’histoire et l’élégance de l’architecture belge. Érigée comme la première de nombreuses structures de verre dans le domaine de Laeken, elle était originellement dédiée aux réceptions royales, imprégnant ainsi chaque feuille de palmier et chaque branche d’orchidée d’un prestige royal.

Simplifiez, simplifiez encore, simplifiez toujours et quand vous aurez tout simplifié, vous n’aurez pas encore assez simplifié – Alphonse Balat

Alphonse Balat, qui formera entre autres Victor Horta, avait été lui-même formé à l’Académie des beaux-arts de Namur, puis à celle d’Anvers. Il se distingue par son talent précoce, remportant un premier prix de composition architecturale en 1838. Devenu l’un des architectes de premier plan du roi des Belges, Léopold II, il laisse une empreinte indélébile dans l’histoire architecturale de la Belgique.

Parmi ses réalisations emblématiques figurent la rénovation partielle du Palais royal de Bruxelles, la conception des Serres royales de Laeken et la création du musée des Beaux-Arts de Bruxelles.

Les serres, quant à elles, ont été terminés en 1876 : après près de 150 ans, elles ont besoin d’être rénovées.

 

 

Ouverture des serres de Laeken

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Une étude méticuleuse

Face à l’usure du temps et aux exigences modernes, la Régie des Bâtiments entreprend désormais la délicate mission de restaurer ce joyau d’antan. Le projet de restauration prévoit la revitalisation du volume central, de ses deux annexes ainsi que des abords, un défi technique et artistique d’envergure.

La Régie des Bâtiments a confié l’étude approfondie de cette restauration au bureau d’études MA2 et Chatillon Architectes. Cette étude exhaustive, menée de 2019 à 2021, a analysé chaque aspect de la restauration, de la protection des installations à la préservation de l’environnement végétal, en passant par les adaptations techniques nécessaires à l’éclairage, à la ventilation et au chauffage.

Nous avons rencontré l’architecte François Metzger, fondateur du bureau d’études MA2, pour qu’il nous éclaire sur les enjeux de ce chantier "royal" : "Nous avons formé une équipe de rêve, le Bureau Greisch, un des bureaux d’ingénierie et d’architecture les plus pointus d’Europe et François Chatillon, Architecte en chef des Monuments historiques de France, réputé pour sa responsabilité dans la préservation des monuments nationaux tels que le Grand Palais à Paris et le domaine de Chambord. Avec notre partenaire en ingénierie structurelle, nous avons élaboré une stratégie précise pour guider l’entrepreneur sur le chantier."

En automne 2022, la Régie des Bâtiments a lancé un premier marché public pour l’exécution de la restauration, mais celui-ci n’a pas officiellement été attribué en 2023, en raison d’offres non conformes. Le marché est depuis relancé, dans l’espoir de trouver la perle rare.

Il faut trouver le bon entrepreneur

Afin de pouvoir mener à bien un marché public de travaux en Belgique, l’entrepreneur doit répondre à un certain nombre de conditions. S’il y répond, il reçoit une agréation du ministre régional compétent, après avis de la Commission fédérale d’agréation.

Ici, seuls les entrepreneurs entrant dans la catégorie "D24-Restauration de monuments" peuvent postuler. En plus de cela, il faut qu’ils soient agréés pour le "type 8", c’est-à-dire pour les plus grands chantiers. On parle quand même d’un budget de rénovation qui devrait se situer entre 11 et 15 millions d’euros, selon nos informations.

Actuellement, notre défi majeur réside dans la recherche d’une entreprise spécialisée capable de les réaliser - Johan Vanderborght de la Régie des Bâtiments.

Johan Vanderborght de la Régie des Bâtiments met en lumière la complexité du chantier à venir : "Nous aspirons à ce que les travaux soient achevés dans les délais impartis. Actuellement, notre défi majeur réside dans la recherche d’une entreprise spécialisée capable de les réaliser. Il est indéniable que ce chantier n’est pas de tout repos et exige une maîtrise parfaite des techniques de travail du verre et du fer, tout en préservant l’intégrité des plantes déjà en place. Notre approche consistera à segmenter la grande rotonde en quartiers distincts, garantissant ainsi un apport continu de lumière et de chaleur pour les végétaux."

Vue de l’impressionnante coupole au centre des serres royales de Laeken.

Une architecture éblouissante

Il faut le rappeler, ce bâtiment est couronné d’une verrière de 25 mètres de hauteur et 57 mètres de diamètre. C’est une prouesse architecturale, avec ses 36 arcs métalliques reposant sur une colonnade dorique. Ses vastes proportions accueillent une végétation luxuriante, sublimant chaque recoin de l’édifice avec des rocailles en ciment qui abritent une multitude de plantes subtropicales.

La rénovation de ce bâtiment est complexe. Nous manquons de références, surtout pour des matériaux comme l’acier et le verre datant de l’époque de la construction, ce qui exige des compétences particulières – François Metzger, architecte.

Pour François Metzger, le challenge de la rénovation d’un tel bâtiment réside, entre autres, dans le fait que "la particularité de ce bâtiment, mêlant acier et verre dans une serre tropicale, rend la rénovation encore plus délicate. La gestion de l’humidité, provenant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, et la nécessité de préserver le bien-être des plantes sous la verrière ajoutent une dimension supplémentaire à notre réflexion."

Il explique pourquoi une longue étude préalable a été réalisée : "La rénovation de ce bâtiment est complexe à plusieurs égards. D’une part, nous manquons de références, surtout pour des matériaux comme l’acier et le verre datant de l’époque de la construction, qui exigent des compétences particulières. Contrairement à des projets antérieurs, comme la rénovation de la villa Empain, ici, nous manquons de modèles similaires pour nous inspirer. Et d’autre part, celle-ci doit se faire dans un bâtiment où vivent des plantes que l’on ne peut déplacer. Par exemple, nous devons utiliser des peintures au plomb (ndlr : comme à l’époque), ce qui ne fait pas bon ménage avec la survie de plantes de collection".

Cette étude préliminaire a été menée autour des trois axes : "La restauration de ce bâtiment implique un véritable travail d’archéologie architecturale. Nous avons mené des études historiques, archéologiques et pathologiques du bâtiment pour retrouver les couleurs d’origine, les techniques de construction et résoudre les problèmes de corrosion. C’est un véritable travail d’investigation pour redonner vie à l’œuvre de l’architecte du Roi, Alphonse Balat" détaille plein de verve notre architecte.

Victime d’une forte humidité intérieure et extérieure, la structure en acier se corrode.
Victime d’une forte humidité intérieure et extérieure, la structure en acier se corrode. © Africa Gordillo – RTBF

Un projet d’envergure

Les travaux, dont le début est prévu pour 2025, nécessiteront une coordination précise et un savoir-faire technique exceptionnel. Les entrepreneurs intéressés par ce défi peuvent soumettre leurs offres jusqu’au 4 juin 2024.

Au-delà de la simple restauration architecturale, ce projet incarne un engagement envers l’histoire et la culture belges. La serre royale "Jardin d’Hiver" demeure ainsi un symbole vivant du passé glorieux de la Belgique.

Comme le soulignait le secrétaire d’État en charge de la Régie des Bâtiments : "La préservation de notre patrimoine architectural ainsi que la protection de sa végétalisation est un engagement primordial pour moi."

© Getty

La restauration des Serres Royales de Laeken est bien plus qu’un simple projet de rénovation : c’est un témoignage de l’engagement continu envers l’histoire, la nature et la beauté de la Belgique. Dans chaque pousse de plante et dans chaque arc métallique rénové réside l’espoir de préserver un héritage précieux pour les siècles à venir.

"La rénovation de ce bâtiment représente une reconquête, visant à mettre en valeur l’héritage de Balat. Chaque détail restauré, chaque couleur retrouvée… contribue à préserver l’histoire et l’identité de ce remarquable édifice" conclut l’architecte.

© Getty

Sur le même sujet, au JT du 11 avril 2024 :

Serres de Laeken : derniers préparatifs avant l ouverture au public

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