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Une intelligence artificielle pour identifier les rues les plus sales et améliorer la collecte des déchets à Bruxelles

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InfoPar Eric Boever

On en parle partout, certains misent beaucoup sur elle, d’autres la redoutent, l’intelligence artificielle fait désormais partie de nos vies et sa présence ne fera que s’accroître dans l’avenir. Mais on a parfois du mal à percevoir les changements concrets qu’elle va provoquer. Et si cela commençait par la propreté de nos rues ? L’agence Bruxelles-Propreté, chargée de la propreté publique et du ramassage des ordures en région bruxelloise, est en train de tester un dispositif suisse utilisant l’intelligence artificielle (AI) pour identifier les rues et les quartiers les plus sales. L’agence pourra ainsi adapter ses tournées et ses interventions. 10 communes bruxelloises sont concernées par cette expérience pilote qui durera jusqu’à la mi-juillet.

Un camion poubelle équipé de caméras, d’ordinateurs et de capteurs

Vous serez peut-être intrigués en les croisant dans les rues de Bruxelles : certains camions poubelles de la capitale ont été équipés de caméras, d’ordinateurs et de capteurs, un dispositif relativement discret mais dont Bruxelles-Propreté attend beaucoup puisqu’il est censé objectiver l’état de propreté d’un grand nombre de voiries bruxelloises. Pas question donc de scanner vos poubelles individuelles mais plutôt de filmer 337 kilomètres de voiries et de repérer lesquelles sont problématiques afin d’améliorer la propreté urbaine. Le système a été développé par une start-up suisse qui a déjà fourni cette solution à plusieurs villes européennes comme Bâle, Genève, Bordeaux, Francfort ou Hambourg.

"Concrètement, explique Maxence Fevry, responsable du projet AI chez Bruxelles-Propreté, depuis la fin du mois de mars, 4 bennes à ordures chargées de vider les corbeilles publiques ont été équipées d’une caméra qui prend à intervalles réguliers des images de la voirie mais aussi des trottoirs, ces images sont géolocalisées et elles sont assemblées par un ordinateur de bord qui, lui, identifie les déchets, les caractérise et les compte, qu’il s’agisse de mégots de cigarettes, de papiers et plastiques, de canettes, de verre ou de déjections canines. Toutes ces informations sont ensuite transmises à un serveur pour être assemblées afin de former une grande carte de la propreté réelle de la ville avec une coloration en fonction du niveau de propreté : rouge si c’est sale, vert si c’est propre, bleu si c’est encore plus propre, ce qui nous permet d’adapter notre dispositif quartier par quartier."

Le balayage des rues pourrait être piloté par l’intelligence artificielle

Cette solution entièrement automatisée et basée sur l’intelligence artificielle présente l’avantage de fournir une quantité importante de données récoltées sur le terrain. Pour Bruxelles-Propreté, c’est doublement intéressant, d’abord parce que ces données concrètes permettent d’objectiver les débats, souvent passionnés, autour des questions de propreté urbaine. Ensuite parce que cela peut aider l’Agence à adapter les tournées ou la fréquence de balayage d’une voirie alors qu’actuellement cela se fait souvent de manière standardisée et parfois peu efficace. Le défi sera évidemment d’avoir la capacité d’allouer des ressources humaines et matérielles supplémentaires en fonction des tronçons jugés les moins propres. Cela nécessitera peut-être de réduire d’autres tournées et donc de modifier les habitudes de certains agents, ce qui est parfois délicat.

L’expérience s’étalera jusqu’au 18 juillet 2024 et concerne les voiries régionales et supra communales de 10 communes bruxelloises : Saint-Josse, Evere, Etterbeek, Ixelles, Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre, Watermael-Boitsfort, Auderghem, Bruxelles-Ville et Saint-Gilles. Un bilan sera effectué à la fin de l’été par Bruxelles-Propreté qui communiquera les résultats complets de cette expérience pilote et qui déterminera avec l’ensemble des communes quelles suites pourraient être données au projet.

L’intelligence artificielle sur le tapis… roulant

Si l’expérience pilote menée à Bruxelles se limite à analyser la propreté des rues, il y a d’autres activités du secteur des déchets qui utilisent l’intelligence artificielle. Maxence Fevry donne quelques exemples : "Il y a des dispositifs qui identifient le type de déchets directement au niveau d’une benne à ordures ménagères. C’est le cas lorsqu’on déverse le contenu d’une benne en filmant ce qui tombe, ce qui permet de vérifier la qualité du tri sélectif." On va par exemple pouvoir repérer qu’un carton à pizza contient encore des restes alimentaires, ce qui peut d’ailleurs constituer une infraction si l’emballage se trouve dans un conteneur réservé aux cartons.

Mais c’est ailleurs dans la chaîne des déchets que l’IA est la plus utilisée : "L’endroit où la technologie est la plus ancienne et la plus éprouvée, c’est dans les centres de tri, et plus particulièrement sur les tapis roulants où défilent les déchets. Imaginez un sac de PMC qui est collecté et qui arrive dans un centre de tri. La machine ouvre le sac, le contenu du sac tombe sur un tapis roulant et il est filmé par une caméra qui est chargée de repérer les déchets qui ne devraient pas figurer là. Un agent peut alors le retirer, ou mieux, un robot car c’est un travail répétitif et peu valorisant."

On pourrait faire la même chose avec des ordures ménagères classiques, les sacs blancs à Bruxelles. Cela permettrait d’éviter des objets dangereux comme les bonbonnes de protoxyde d’azote, le fameux gaz hilarant qu’on trouvait jadis en petites cartouches mais qui se vend désormais en grand format, ce qui cause des explosions et des dégâts aux incinérateurs. La reconnaissance par l’IA permettrait d’arrêter une ligne pour éviter qu’une telle bonbonne finisse dans l’incinérateur. Mais ce n’est pas envisagé à court terme à Bruxelles. Pour Maxence Fevry, "le meilleur tri des déchets, c’est le tri à la source. Parce que le déchet est une ressource et plus il a subi du mélange, plus il a été écrasé, au moins il est propre et réutilisable."

A côté de l’artificielle, il y a aussi l’intelligence participative

L’intelligence artificielle peut aussi aider à combattre les dépôts clandestins. Elle peut aider des collectivités publiques à traiter les données des caméras de surveillance pour identifier le moment, l’endroit et même la personne qui commet un dépôt clandestin. "C’est comme les caméras qui monitorent les vols dans les magasins, explique l’expert de Bruxelles-Propreté, la caméra et son logiciel repèrent un certain nombre de mouvements typiques de ce qu’est un dépôt clandestin, et le système lance une alerte en disant "tiens, il y a quelqu’un qui est en train de décharger des sacs sur le trottoir et ce n’est pas un déménagement, c’est plutôt un dépôt illégal". C’est fondé sur la même logique, à savoir un algorithme entraîné sur des données existantes. Nous tenons ça à l’œil à Bruxelles-Propreté mais ce n’est pas dans nos projets immédiats parce que nous voulons d’abord vérifier si ce sont des investissements efficaces et rentables."

Enfin, à côté de l’intelligence artificielle, il y a un système moins technologique qui peut s’avérer utile en matière de propreté publique et qui s’appelle le citoyen. Un citoyen qui peut signaler un problème directement à Bruxelles-propreté ou via l’application Fixmystreet, une appli qui est fort suivie à Bruxelles et que l’agence de propreté surveille attentivement. Maxence Fevry le confirme : "Cette gouvernance participative est un appui apprécié parce qu’on n’ira jamais aussi souvent dans la rue que les riverains et donc on a besoin d’eux pour qu’ils puissent identifier les points noirs." Bref, en termes de propreté publique, l’intelligence artificielle peut être une alliée intéressante mais rien ne vaudra jamais des intelligents réels qui habitent sur place !

Camions poubelles avec intelligence artificielle : classement des rues les plus sales à Bruxelles

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