Hahaha. L’humour de l’art est la nouvelle exposition du Centre ING à Bruxelles. Organisée en collaboration avec KANAL-Centre Pompidou et le Centre Pompidou, elle rassemble plus de deux cents œuvres choisies par deux commissaires, Nicolas Liucci-Goutnikov, curateur au Centre Pompidou, et Anne Petre, responsable de l’art à ING Belgique.
Le rôle de l’humour dans l’art a été occulté. L’histoire de l’art a passé sous silence le potentiel révolutionnaire du rire. Or, la place de l’humour dans les révolutions artistiques est prépondérante.
La Fontaine de Marcel Duchamp, le plus banal des objets manufacturés, un urinoir renversé, est un canular rafraîchissant. L’objet est présenté sous une fausse identité au Salon de la Société des artistes indépendants de New York en 1917 pour tester l’ouverture d’esprit du jury qui avait décrété qu’il accepterait toutes les œuvres. Un jury dont Marcel Duchamp est un des membres. L’œuvre sera refusée.
L’humour duchampien a des racines qui puisent dans la deuxième moitié du 19e siècle. Les expositions parodiques de Paris ou de Bruxelles moquent les pédants. Le Musée Ghémar organise une exposition fantaisiste des œuvres principales de l’art contemporain lors d’un salon qui se tient dans la capitale belge sur et dans le grand collecteur de la Senne en 1870. La zwanze fleurit dans le Bruxelles de la Belle Epoque.
Les calembours d’Alphonse Allais ont sans doute inspiré l’auteur des ready-made qui apprécie le jeu de mots, Lits et Ratures. Les publications loufoques rivalisent avec les caricatures de presse dont les auteurs mettent à mal la sacro-sainte posture des artistes contemporains.
Un paysage est exposé au Salon des indépendants à Paris en 1910. Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique est une œuvre fauve attribuée au peintre gênois Joachim-Raphaël Boronali. Supercherie ! La toile est l’œuvre de l’âne Lolo. L’animal appartenait au tenancier du Lapin agile à Montmartre. L’âne peignait lorsqu’on lui présentait des carottes. Le pinceau était fixé à sa queue et agissait sur la toile.
La scène artistique subversive mène un travail de sape des valeurs sur lesquelles les Beaux-Arts sont fondés : le nom inaliénable du créateur et le fétichisme de l’œuvre. Le pastiche fait florès. La citation oscille entre l’hommage et le pied de nez. Marcel Mariën, le surréaliste belge, s’attaque à l’œuvre mythique de Mondrian. Les Mondrianités avancent les cartes de la géométrie rigoureuse et des orthogonales souples et empruntent au peintre néoplastique les couleurs primaires : le bleu, le rouge et le jaune. La Vénus d’Amersfoort double le bras d’honneur en évoquant le buste de la Vénus de Milo.
L’exposition recèle de nombreuses icônes de l’art moderne dont Fontaine de Marcel Duchamp (exemplaire de 1964, l’œuvre originale ayant été détruite) et Merda d’artista, de Piero Manzoni (1961).