Moins de distributeurs, parce les Belges se seraient détournés du cash ? "Il y a de la mauvaise foi derrière cet argument"

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Par X.L.

Trouver un distributeur de billets, un Bancontact, comme on a l’habitude de les appeler, ça relève parfois du défi. Et c’est à ce problème qu’est censé remédier Batopin.

Batopin a été créée en mars 2020 à l’initiative des quatre grandes banques Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC. A elles quatre, elles représentent un peu plus de 70% du marché belge, et elles se sont associées pour créer un réseau neutre de distributeurs.

"L’idée est donc qu’il n’y ait plus de distributeurs dans leurs agences, mais qu’il y ait, répartis sur le territoire, un certain nombre d’ATM, de distributeurs neutres, qui ne seront de la marque d’aucune des banques" expliquait ce matin Danièle Bovy, spécialiste des services bancaires chez Test-Achats.

Les six premiers points cash Batopin ont été installés à Anderlecht, Gand, Lierneux, Stavelot, Nimy et Clavier. Ce nouveau réseau de cash sera déployé progressivement sur plusieurs années et sera entièrement achevé fin 2024. Il y aura des ouvertures, mais aussi des fermetures : il est prévu de diminuer le nombre total de distributeurs par deux, mais en les répartissant mieux.

Moins besoin de distributeurs parce que moins de cash ? Ou moins de cash parce que moins de distributeurs ?

L’argument des banques pour aller dans cette direction, c’est de dire que de toute façon, depuis la crise sanitaire, les Belges se seraient détournés du cash, on aurait moins besoin de distributeurs de billets.

Mais Danièle Bovy réfute l’argument : "Je pense qu’il y a une certaine mauvaise foi derrière cet argument qui vaut un peu pour tout ce qui se passe en ce qui concerne les services bancaires. Où est la poule, où est l’œuf ? Les banques vous disent qu’elles s’adaptent aux comportements des consommateurs, mais les consommateurs ont à juste titre la très nette impression que les banques en général les poussent vers le tout au digital, de faire toujours plus eux-mêmes, et tout ça se fait de façon assez rapide et même galopante".

Et de le démontrer par l’exemple : "C’est au moment où il y a eu le plus de retraits en cash, vers 2013 ou 2015, quand les retraits ont été les plus nombreux et les plus volumineux en cash, que le nombre de distributeurs a commencé à baisser. Ça se voit sur les courbes, c’est incontestable. Donc, dire que les banques s’adaptent aux comportements des consommateurs, franchement, ce n’est pas tout à fait exact".

Un autre argument de ces quatre banques associées sous ce label Batopin est de dire qu’aujourd’hui, on a parfois deux ou trois distributeurs qui sont situés à quelques centaines de mètres les uns des autres, parce que chaque agence bancaire a son propre distributeur, et qu’avec ce nouveau plan, on va aussi permettre de rationaliser ça : "C’est sans doute l’aspect le plus intéressant du projet, reconnaît Danièle Bovy, car la répartition des distributeurs n’est pas optimale".

Certaines communes n’en ont pas du tout, alors qu’il y en a beaucoup dans certains quartiers. "Une optimalisation du maillage pourrait donc être une bonne chose, mais dans ce projet, on diminue le nombre d’ATM de moitié, donc c’est drastique comme réduction".

côté du réseau Batopin, d’autres banques vont continuer à proposer leurs propres distributeurs en agence, comme Bpost, et les autres "petites" banques. Eux ne font en principe pas partie de ce plan de répartition.

"Il y a une association de banques de petite et moyenne importance qui s’appelle JoFiCo, mais c’est tout à fait différent : ces banques se sont associées non pas pour créer un réseau neutre, mais simplement pour assurer la maintenance de leurs appareils qu’ils continuent à gérer. Personne ne sait exactement ce qui se passera dans ces autres structures".

Les autorités s’en mêlent

Outre l’association de consommateurs, les autorités s’inquiètent aussi : le Parlement wallon s’est saisi de cette question et avait procédé à plusieurs auditions, "ce qui montre bien que pas beaucoup plus que les consommateurs, les politiciens n’ont été consultés pendant la phase d’élaboration de ce projet Batopin. Le problème, c’est qu’à partir du moment où les banques manifestent peu d’intérêt pour les besoins des consommateurs".

Danièle Bovy souligne pourtant que ce n’est pas n’importe quel service "gérer et disposer de l’argent qu’on a déposé dans les banques parce qu’elles ont le monopole du dépôt", et Test-Achats estime donc que les autorités doivent s’emparer de la question "et essayent au moins d’un peu encadrer cette évolution qui, je tiens quand même à le dire tout de suite, a des aspects tout à fait positifs. La digitalisation des services bancaires apporte des commodités dans un certain nombre de cas, mais il faut qu’elle reste cadrée pour que, par exemple, l’argent liquide, le cash, reste aisément et gratuitement disponible pour leurs propriétaires".

Cette question de la gratuité inquiète notamment l’association de consommateurs : "J’ai plus que des doutes. Le mouvement a commencé et il y a manifestement une tendance à faire payer les retraits. Elle en est à ses débuts, mais on ne peut que s’en inquiéter, certainement".

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