Mondiaux de cyclisme

Les 9 championnats du monde de cyclisme en Belgique : de la "trahison" de Renaix à la maudite chute de Criquielion

A droite de l’image, le sprint final entre Rik Van Looy et Benoni Beheyt lors des Mondiaux 1963.

© RTBF

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Par Antoine Hick

Alors que les championnats du monde de cyclisme fêtent leurs 100 ans cette année, la Belgique accueille la grande messe des Mondiaux pour la 10e fois de son histoire. Et si plusieurs Belges sont parvenus à se parer d’or sur leurs terres, ces Mondiaux 100% belges ont aussi été le théâtre de grosses désillusions.

Retour sur les neuf championnats du monde précédents. Entre trahisons, coups bas, comportements scandaleux et belles victoires, vous serez servis !

1. 1930 – Liège : Georges Ronsse griffé par les Italiens

Après son formidable doublé à Budapest (1928) puis à Zürich (1929), Georges Ronsse a une occasion en or de rafler un prestigieux triplé, à domicile, sur des routes qu’il connaît bien autour de Liège. Favori sur papier, le natif d’Anvers doit se dépêtrer des mailles du filet tendu par 22 adversaires au départ.

Au programme, 208 kilomètres et 8 côtes (Beaufays, Malchamps, Barraque de Fraiture, Haudister, My, Hautregard, Mont Theux et Les Forges). Sur les 23 partants, 4 s’isolent en tête : Ronsse, mais aussi Stöpel, Guerra et BindaLe binôme d’Italiens profite de sa supériorité numérique pour rafler la mise. Binda fait un, Guerra deux. Ronsse doit se contenter du bronze et voit ses chimériques rêves de triplé s’envoler.

2. 1935 – Floreffe : Jean Aerts venge Ronsse en s’imposant à domicile

5 ans plus tard, les Mondiaux font une nouvelle halte en Belgique, dans un circuit autour de Floreffe. Et cette fois, pas de mauvaise surprise pour les Belges qui vont rafler la médaille d’or grâce à Jean Aerts. Un Aerts qui décide de s’isoler en tête à la mi-course. Derrière, seul l’Espagnol Luciano Montero parvient à suivre.

A deux tours de l’arrivée, le Belge (ab) use de roublardise pour lâcher son adversaire. Il fait mine de s’arrêter au stand de ravitaillement (alors obligatoire) avant de redémarrer sèchement et de laisser son adversaire sur le carreau. Il s’imposera finalement avec une avance confortable et deviendra le premier Bruxellois champion du monde. Une belle revanche pour ce coureur, qui avait, de base, été sélectionné pour faire le nombre dans l’équipe belge.

Jean Aerts après une victoire sur le Tour de France 1933.
Jean Aerts après une victoire sur le Tour de France 1933. © Belga

3. 1950 – Moorslede : "Briek" Schotte fait valser ses supporters

Déjà sacré à Fauquemont aux Pays-Bas en 1948, Albéric "Briek" Schotte réitère pareil exploit en 1950 en s’offrant un beau doublé en trois ans, à domicile, à Moorslede. Devant une foule évidemment acquise à sa cause, Schotte triomphe en venant à bout d’un groupe de 17 coureurs, détachés en tête de course pendant un long moment.

D’abord en poursuite derrière Ferdi Kübler, Schotte parvient finalement à lâcher ses adversaires un à un pour finalement s’imposer. L’apogée d’une carrière pour ce coureur, qu’on surnommait "L’Homme de fer" et décédé en 2004.

4. 1957 – Waregem : 3 Français, 3 Belges et à la fin c’est Vansteenbergen qui gagne

Sur un tracé plutôt plat et doté d’une seule vraie difficulté (le Tiegemberg) autour de Waregem, une échappée royale s’isole en tête. Parmi ces 6 fuyards aux dents longues, trois Belges (Vansteenbergen, Van Looy et De Bruyne) et trois Français (Bobet, Darrigade et Anquetil). Les kilomètres défilent et aucun des six hommes n’ose vraiment se dévoiler.

Au sprint, c’est finalement De Bruyne qui lance admirablement bien Vansteenbergen. Déjà vainqueur en 1949 et en 1956, Vansteenbergen devance la meute de Français (et son meilleur ennemi Van Looy) pour s’offrir le triplé et rejoindre Alfredo Binda au palmarès.

Alors qu’il a œuvré toute la journée pour… lâcher son compatriote, Van Looy doit s’avouer vaincu et se contenter d’une 4e place. Frustrante au vu des qualités du bonhomme. Il prendra une éclatante revanche par la suite.

5. 1963 – Renaix : "La trahison" de Benoni Beheyt jamais digérée par Rik Van Looy

A droite de l’image, Rik Van Looy et Benoni Beheyt dans l’emballage final des Mondiaux 1963.
A droite de l’image, Rik Van Looy et Benoni Beheyt dans l’emballage final des Mondiaux 1963. © Belga

On a déjà longuement abordé le sujet dans cet article, mais l’édition 1963 des Mondiaux restera pour très longtemps encore comme la plus controversée de l’histoire récente des championnats du monde. La faute à Benoni Beheyt qui, l’espace d’un sprint pour la gloire, a oublié son rôle de coéquipier modèle pour rafler les lauriers au nez et à la barbe de son propre leader, Rik Van Looy.

Une trahison, considérée par certains férus même comme un "crime", que Rik Van Looy ne digérera jamais. Dans l’emballage final, il tentera d’ailleurs de tasser son récalcitrant valet contre les barrières. Un geste suivi d’un autre (une main de Beheyt sur l’épaule de Van Looy) qui fera couler beaucoup d’encre. Toujours est-il que Van Looy ne parviendra plus jamais à se hisser sur un podium mondial par la suite. Et qu’il tentera, par tous les moyens, de faire payer ce coup de trafalgar à Beheyt.

Mondiaux 1963 : Victoire de Benoni Beheyt

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6. 1969 – Zolder : L’anomalie Harm Ottenbros, ou le champion le plus improbable de l’histoire

Harm Ottenbros. Ce nom ne vous dit probablement rien du tout et c’est bien normal. Modeste coureur de kermesse et ancien tapissier, le coureur Néerlandais profite des circonstances (et d’une échappée au long cours jamais reprise) pour coiffer au sprint le Belge Julien Stevens et devenir, en 1969 à Zolder, le champion du monde le plus improbable de toute l’histoire du cyclisme.

"C’est une histoire assez dramatique. Il n’y avait pas encore de réseaux sociaux à l’époque mais les médias peuvent parfois faire très mal. Le public a été terrible, il a vraiment été considéré comme le champion le plus honteux de l’histoire. Il n’a plus rien fait par la suite de sa carrière, on voyait qu’il était vraiment touché mentalement, et sept ans après son titre, il a jeté son vélo dans l’Escaut symboliquement en disant ‘J’arrête" explique Rodrigo Beenkens.

7. 1975 – Yvoir : la désillusion de la dreamteam belge

La Belgique n’aurait jamais dû perdre ces Mondiaux 1975. Parce que, sur papier, entendons-nous bien, la dreamteam belge, menée par Roger De Vlaeminck et Eddy Mercckx (même sur le déclin) avait très fière allure.

Et pourtant, quand on regarde le palmarès, c’est le nom du Néerlandais Hennie Kuiper qui figure tout en haut du podium cette année-là. De Vlaeminck, lui, pourtant hyper ambitieux avant la course, a dû se contenter d’une frustrante 2e place et a dû faire une croix sur ses chances de médaille d’or aux Mondiaux.

La faute à qui ? À une gigantesque erreur de communication et à une dream-team qui n’a jamais réellement trouvé ses marques : "À l’époque, on pouvait être 12 dans l’équipe belge. En pleine conférence de presse, De Vlaeminck dit qu’ils seraient 11 et demi, en parlant de Lucien Van Impe comme d’un demi. De Vlaeminck, c’est un taquin, je ne pense pas qu’il voulait s’en prendre à Van Impe, il voulait probablement juste dire qu’il était tout petit. Mais Van Impe l’a très mal pris" analyse Rodrigo Beenkens.

Malheureusement, cette punchline ratée aura des répercussions sur la course et sur l’entente entre les Belges : "Merckx tombe après 100km donc avant la mi-course. Peut-être moins bien mentalement ce jour-là, il dit "On joue la carte de De Vlaeminck". Quand Kuiper attaque à un tour de l’arrivée, on le laisse aller, De Vlaeminck est à bonne distance et Merckx n’est pas top pour suivre. Et quand Van Impe doit finalement se mettre à rouler pour De Vlaeminck dans la côte, il lui dit, vexé : “Tu sais ce qu’il te dit le demi ?Donc finalement, De Vlaeminck échoue juste derrière Kuiper. Probablement l’un des plus grands regrets de sa carrière."

L’illustration que le cyclisme est, aussi, un sport d’équipe et que l’entente et la symbiose au sein d’une délégation priment parfois sur le talent pur.

 

8. Renaix – 1988 : la chute de Criquielion, poussé dans les balustrades par Bauer

25 ans après la "Trahison de Renaix", le peloton cycliste refaisait une escale dans les Ardennes Flamandes. Et comme en 1963, Renaix va être le théâtre d’une course dantesque… qui coûtera malheureusement très cher à un Belge, Claudy Criquielion.

Et pourtant, tous les ingrédients semblaient réunis pour que Criquielion remporte cette course. Il avait déjà goûté aux joies d’une médaille d’or (en 1984), évoluait à domicile et était le grandissime favori. Une pancarte, grossièrement flanquée dans le dos du Belge, qui n’a visiblement pas plu à Steve Bauer, un bouillonnant coureur canadien.

Alors qu’il avait refait son retard sur le tandem Criquielion-Fondriest juste avant la flamme rouge, Bauer a dangereusement dévié de sa ligne pour tasser l’infortuné Criquielion dans les balustrades. Un geste, aussi honteux qu’anti-sportif, qui coûtera évidemment la victoire au Belge, obligé de laisser filer ses deux adversaires après une lourde chute.

Et si Steve Bauer sera logiquement déclassé et que l’opportuniste Maurizio Fondriest raflera finalement la mise, le mal était fait. Alors qu’il avait un boulevard devant lui pour la victoire, Criquielion ratera le doublé. La faute à cet acte scandaleux que Criquielion contestera, sans succès. Bauer sera finalement acquitté… au bénéfice du doute. Rodrigo Beenkens lui, déplore le manque de réaction du public présent ce jour-là : "Le public belge est trop gentil. Si à la place de Criquielion, c’est Argentin ou Moser et que ça se passe en Italie, il n’y a jamais de cérémonie protocolaire, c’est le K.O total. Je n’oublierai jamais cette image de Criquielion qui franchit la ligne avec son vélo à la main, comme un boxeur groggy. J’avais l’impression que le public était anesthésié, et même avec le recul, je ne comprends pas.

Le public est passionné dans cette région-là, je regrette qu’on n’ait pas fait la révolution. C’est terrible d’être battu comme ça. Je reste persuadé que Bauer l’a fait exprès. Pour moi c’est plus grave que Groenewegen. Ici, c’est vraiment avec la volonté de le mettre dans les balustrades. Il sait qu’il est battu…"

Claudy Criquielion à l’arrivée des Mondiaux 1988.
Claudy Criquielion à l’arrivée des Mondiaux 1988. © Belga

2002 – Zolder : le récital italien parachevé par Cipollini

Nous sommes en 2002. C’est la dernière fois (avant ces Mondiaux 2021) que la Belgique organise les championnats du monde. La dernière fois, aussi, qu’un tracé pour purs sprinteurs est au programme, autour du circuit de Zolder.

Et la course me direz-vous ? Eh bien, elle se dispute sans trop de tracas jusqu’aux trois derniers kilomètres. Le moment où une violente chute décime toute une partie du peloton. Ils ne sont donc que 30 à se disputer la victoire. 30 pour un sprint royal finalement dominé, d’une main de maître par Mario Cipollini devant Robbie McEwen et Rik Zabel. Une victoire italienne au terme d’une vraie démonstration de la Squadra Azzurra.

Il ne faut pas oublier que ce sont Lombardi et Petacchi qui emmènent le sprint. C’était un rouleau compresseur incroyable. Quand Cipollini est lancé par Lombardi c’est déjà fort mais s’il y a en plus Petacchi, c’est injouable" confirme Rodrigo Beenkens.

Mondiaux 2002 : Victoire de Mario Cipollini

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