Belgique

Où est "l’équipe de 11 millions" face aux inondations ?

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Par Bertrand Henne

Le Fédéral doit-il payer une partie de la facture des inondations en Wallonie ? Le débat est lancé. Le PS souhaite que le Fédéral débourse près de 600 millions d’euros pour soutenir l’effort de reconstruction des infrastructures dans l’Est du pays. La Belgique fédérale est capable d’un acte de “solidarité nationale” ?

Surprise, surprise…

La répartition des compétences est ainsi faite. C’est à la Wallonie de mettre la main au portefeuille, ce qu’elle fait d’ailleurs jusqu’à presque trois milliards d’euros au risque de grandement se fragiliser financièrement.

Depuis des semaines, Elio Di Rupo et Alexander De Croo évoquent ce problème. Le Fédéral est sollicité, mais de manière très limitée : TVA réduite pour la reconstruction, garantie des emprunts contractés par la Wallonie. Rien de très conséquent, c’est bien la Wallonie qui assume l’essentiel de l’ardoise.

De manière inattendue, le secrétaire d’État PS à la Relance, Thomas Dermine, proche de Paul Magnette, est intervenu dans la presse pour demander beaucoup plus au Fédéral et porter cette question en conseil des ministres. Il évoque 600 millions d’euros du Fédéral, la Wallonie mettrait la même somme dans un fonds exceptionnel.

Modèle Allemand

Au-delà du chiffre, c’est le modèle qui est intéressant. C’est le modèle choisi par l’Allemagne, elle aussi très touchée dans l’Ouest par les inondations, 174 morts. Là-bas, dans cet État fédéral, il était évident pour tout le monde que les trois Lander concernés, même si ce sont parmi les plus riches d’Allemagne, ne pourraient pas faire face tout seul. Angela Merkel a fait passer un fonds financé à 50/50 Fédéral/Lander concernés au nom de la “Solidarité nationale”. D’abord fonds d’urgence dès le mois de juillet, il s’agit désormais d'un fonds pour la reconstruction, l’enveloppe est de 30 milliards d’euros. Chez nous, deux mois après les inondations, l’idée arrive seulement sur la table.

Réactions au Nord

Au Nord, une partie de la presse se questionne sur la méthode utilisée par le PS. Cette forme de pression sur le Premier ministre, après la pression sur les pensions, sur le budget, sur les grévistes de la faim. Ajouté à la nervosité du président du MR, la sortie de Thomas Dermine est considérée comme une nouvelle expression du KibbelKabinet (cabinet des disputes) que devient le gouvernement De Croo. Les observateurs de la Wetstraat pointent un PS qui cherche à faire oublier ses propres responsabilités dans la gestion de crise et des mauvais sondages (De Standaard, Het Laatste Nieuws).

Ce n’est sans doute pas faux, mais ce sont des discussions de café de la rue de la Loi, bien loin de la tragédie vécue en Wallonie. Le vrai problème est bien de savoir si la Belgique fédérale est capable d’être à la hauteur de la situation, capable d’un acte de “solidarité nationale” sur le modèle Allemand ou pas ?

Doctrine Maddens

Dès hier, dans les rangs nationalistes, on fourbissait ses armes. Car l’idée circule que toute demande d’argent de la part des francophones devrait être liée à des réformes politiques souhaitées au nord. C’est l’application de la bonne vieille doctrine Maddens, du nom d’un prof de la KUL qui l’a inspiré, attendre que les francophones réclament de l’argent pour demander des réformes et ou des transferts de compétences.

Le problème posé ici est que cette doctrine Maddens s’est toujours appliquée avec un présupposé, c’est que les demandes financières du Sud, étaient le reflet des choix politiques, et de la mauvaise gestion francophone. L’idée que la Flandre mieux gérée, plus travailleuse et plus méritante ne devait avoir aucun scrupules à se montrer exigeante avant de payer l’addition. Cette vision domine assez largement au Nord. Mais est-ce que cette lecture peut s’appliquer aux évènements ?

Catastrophe "belge"?

D’abord, quelle est la part ici de la responsabilité wallonne dans la catastrophe ? Elle n’est pas nulle : dans la prévention, la gestion de crise ou dans l’après crise. Mais elle n’est pas non plus décisive, au sens où l’essentiel du problème est lié au caractère exceptionnel des pluies. En outre, même si la Wallonie avait les performances économiques et les marges budgétaires de la Flandre, elle ne pourrait que très difficilement faire face seule. Appliquer la doctrine Maddens ici, relèverait d’un cynisme absolu.

Ensuite, sur le terrain, de nombreux témoignages de sinistrés insistent sur la solidarité massive de citoyens néerlandophones. Cela pourrait laisser penser que cette catastrophe n’est pas vécue comme une catastrophe wallonne, mais comme une catastrophe belge. C’est un sentiment difficile à mesurer, mais il va entrer en conflit avec la fameuse doctrine Maddens.

Enfin, en Allemagne il est très vite apparu évident qu’une commune ou un Land n’est pas l’échelle adéquate pour faire face à des destructions de cette ampleur. Est-il encore possible chez nous d’utiliser les mots “solidarité nationale” ? “L’équipe de 11 millions” (slogan du Premier ministre) peut-elle rester au balcon alors que la Belgique vit la grande catastrophe depuis l’après-guerre ? C’est un test de maturité pour la Belgique d’aujourd’hui.

 

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