Journal du classique

De Samson et Dalila à Ascanio : Camille Saint-Saëns, maître de l’opéra français

Camille Saint-Saëns pratiquait tous les genres musicaux, notamment l’Opéra.

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Par Antoine Danhier

On connaît surtout Camille Saint-Saëns pour son œuvre symphonique et pour sa musique de chambre, mais le compositeur français a aussi brillé sur la scène de l’opéra. On lui doit notamment Samson et Dalila, dont est issu l’air célébrissime Mon cœur s’ouvre à ta voix. Caractérisé par son goût pour l’exotisme et son inventivité, le théâtre lyrique de Saint-Saëns innove à plus d’un titre dans le domaine de l’opéra français.

Que ce soit en musique symphonique ou en musique de chambre, en musique instrumentale ou lyrique, en musique pure ou à programme, en musique laïque ou religieuse, dans un style français ou habillé des chatoyantes couleurs de l’exotisme, Camille Saint-Saëns se présente comme le compositeur polyvalent par excellence. Pratiquant tous les genres musicaux, il est le seul à pouvoir se targuer d’avoir connu le succès dans chacun d’entre eux. Entre l’ancien – il contribue à la redécouverte de Rameau et Couperin – et le moderne, il côtoie plusieurs générations de compositeurs au cours de sa longue vie, durant laquelle il ne cessera jamais de composer, depuis l’âge de 5 ans jusqu’à son dernier souffle, le 16 décembre 1921, à l’âge vénérable de 86 ans.

On lui doit ainsi entre autres 5 symphonies, 4 poèmes symphoniques (dont la fameuse Danse macabre), 8 œuvres pour piano et orchestre dont 5 concertos, des concertos pour violon ou violoncelle et orchestre, de nombreuses œuvres pour piano ou orgue seul – études fugues, variations ou sonates – et une myriade de pièces de musique de chambre, duo, trio, quatuor, quintette ou septuor, pour divers instruments. En musique vocale, il s’illustre avec quelque 119 mélodies pour piano et chant, 49 œuvres vocales religieuses, mais aussi des œuvres pour chant et orchestre ou pour soliste, chœur et orchestre (comme son Oratorio de Noël).

Pas moins de 12 opéras

Mais ce n’est pas tout, car Camille Saint-Saëns s’est aussi illustré sur la scène lyrique, avec pas moins de 12 opéras, qui méritent d’être cités : La Princesse Jaune (1872), Le Timbre d’argent (1877), Samson et Dalila (1877), Étienne Marcel (1879), Henry VIII (1883), Proserpine (1887), Ascanio (1890), Phryné (1893), Les Barbares (1901), Hélène (1904), L’Ancêtre (1906) et Déjanire (une version en 1898 et une en 1911). On peut y ajouter l’opéra inachevé Frédégonde (1895) et Parysatis (1902), drame pour chant et piano.

Samson and Delila

Ce n’est sans doute pas la partie de son œuvre qui a rencontré le succès le plus fracassant, certaines pièces n’étant même représentées que tardivement en France. Samson et Dalila, par exemple, son œuvre théâtrale la plus connue aujourd’hui, à la frontière entre l’opéra et l’oratorio, qui est ébauchée dès l’année 1868 par le compositeur, est censurée en France par la IIIe République qui naît en 1870. L’œuvre est finalement créée en 1877 à Weimar, grâce au concours précieux de Franz Liszt, grand ami et protecteur de Saint-Saëns depuis ses débuts, et ce n’est qu’en 1892 que sa première aura lieu à l’Opéra de Paris, où elle connaîtra un succès retentissant. Le musicologue Marc Honegger la décrit en ces termes : "l’écriture y est ferme, passionnée même, surtout dans la scène de la meule, tandis que la musique de Dalila nous donne un portrait convainquant de sensualité et de perfidie féminines."

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Retrouvez La princesse jaune, le premier Opéra de Camille Saint-Saëns à être créé, ainsi que Ascanio, ce samedi sur Musiq3 dès 20h, dans le cadre de la Soirée Opéra de Nicolas Blanmont, puis quand vous voulez sur Auvio.

La princesse jaune

Représentée pour la première fois le 12 juin 1872 à l’Opéra Comique de Paris, La Princesse jaune est un opéra en un acte qui s’inscrit dans la mouvance orientaliste, et plus généralement dans le goût pour l’exotisme cher au 19e siècle. Voyageur infatigable passionné par les cultures et musiques étrangères, Camille Saint-Saëns en était particulièrement féru.

Sur base d’une commande de Camille Du Locle, qui dirige à l’époque l’Opéra Comique, Saint-Saëns et le librettiste Louis Gallet créent une œuvre d’inspiration japonaise, mais située en Hollande, pour ne pas déplaire au public de l’époque. Elle se déroule dans la maison parentale de Léna, où son cousin Kornelis tient un atelier, dont l’un des panneaux est orné d’une figure de femme japonaise. Sous l’effet de drogues, Kornelis y projette ses fantasmes d’exotisme en imaginant une princesse japonaise, qu’il confond avec sa cousine Léna, tandis que celle-ci tente de lui confier son amour.

La pièce, caractérisée par une musique douce et légère, ne rencontre pas le succès escompté et n’est représentée que cinq fois. Elle innove néanmoins à plusieurs égards : c’est la première fois qu’une œuvre évoque le Japon en France, et surtout que le thème de la confusion entre rêve et réalité est abordé dans un opéra.

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Ascanio

Également composé sur un livret de Louis Gallet, Ascanio est un grand opéra en 5 actes et 7 tableaux, créé à Paris le 21 mars 1890 à l’Académie Nationale de Musique. La pièce s’inscrit dans la filiation d’autres œuvres, puisqu’elle est construite à partir d’un drame scénique de Paul Meurice, écrit en 1852, Benvenuto Cellini, lui-même inspiré d’un roman d’Alexandre Dumas père, Ascanio (1843), basé sur Les Mémoires de Benvenuto Cellini, un orfèvre et sculpteur italien de la Renaissance, écrits par lui-même et traduits en français pour la première fois en 1822.

L’opéra se déroule en 1539 à Paris et à Fontainebleau, au moment où le roi de France François Premier s’apprête à recevoir à la cour l’Empereur Charles Quint. Le sculpteur Benvenuto Cellini a pour apprenti Ascanio, un orphelin italien. Son amante, Scozzone, qui lui sert de modèle, le prévient que la Duchesse d’Etampes, maîtresse du roi, s’est prise d’amour pour le jeune Ascanio, lui-même épris en secret de la fille du Prévôt de Paris, Colombe d’Estourville. Chargé de réaliser une sculpture en or dans la demeure de ce dernier, Benvenuto Cellini succombe à son tour aux charmes de Colombe, provoquant la jalousie de Scozzone qui songe à éliminer sa rivale en l’enfermant dans un reliquaire à destination des Ursulines. Mais les choses ne se passeront pas comme prévu…

Pour illustrer musicalement cette intrigue complexe et alambiquée, riche en rebondissements et en coups de théâtre, Saint-Saëns propose une partition inventive et diversifiée. Il s’est notamment intéressé à la musique de danse du 16e siècle pour mettre en scène le divertissement donné par François Premier en l'honneur de Charles Quint, et il travaille certains airs dans un style archaïsant. Parallèlement, les leitmotivs orchestraux se multiplient, pour illustrer tour à tour la mélancolie d’Ascanio, la passion de Scozzone ou la jalousie de la duchesse.

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