En 2009, le directeur de ce centre suédois tente, avec une équipe d’une petite trentaine de chercheurs renommés, de conceptualiser, de modéliser les limites des principaux systèmes biophysiques terrestres. Un vaste projet, l’idée étant de considérer ces systèmes dans leur globalité, c’est-à-dire à l’échelle planétaire, et de définir des états de base stables.
Car si la civilisation humaine a pu à ce point se développer ces derniers milliers d’années, c’est parce que l’on a vécu une période incroyablement stable ces dix derniers milliers d’années : l’Holocène. Autrement dit, l’environnement, le climat, réunissaient des conditions exceptionnellement stables comparées au passé de notre planète. Mais cet "état de grâce" est maintenant compromis par le développement de notre espèce, qui a fait entrer la Terre dans une nouvelle ère, celle de l’Anthropocène. Une ère où ce sont les actions et activités humaines qui influencent l’équilibre des grands systèmes climatiques, biologiques, physiques.
Un espace sûr de développement humain
De ce travail ressort la définition de neuf limites planétaires ("planetary boundaries"), et du concept d’espace sûr de développement pour l’Humanité ("safe operating space"), soit des conditions semblables à l’Holocène. Pour chaque grand système terrestre, les scientifiques ont déterminé quelles variables pourraient nous renseigner sur ce moment où l’on dépasse la limite planétaire. La plupart d’entre elles sont bien connues du grand public :
- Le changement climatique, évalué notamment grâce à la concentration de CO2 dans l’atmosphère
- La perte de biodiversité, mesurée via le taux d’extinction des espèces
- Les cycles de l’azote et du phosphore
- La concentration en ozone dans la stratosphère
- L’acidification des océans
- L’utilisation de l’eau douce
- L’utilisation des terres, et leur modification vers des terres agricoles
- La charge en aérosol dans l’atmosphère
- La pollution chimique
Pour des systèmes aussi globaux et interconnectés, il est important de comprendre pourquoi on parle bien d’une limite à ne pas dépasser, et non d’une évolution graduelle des conséquences. En effet, ces systèmes ne réagissent pas de manière linéaire à des bouleversements : ils auront plutôt tendance à encaisser, à rester stable malgré un déséquilibre de plus en plus fort, jusqu’à arriver à un point de bascule. Au-delà d’une certaine limite, l’équilibre est rompu, et il est quasi impossible de revenir à l’état initial. C’est un point de non-retour.