Belgique

La région wallonne se prend les pieds dans les Fake news

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Par Bertrand Henne

La campagne d’affichage lancée dans le sud du pays pour contrer la désinformation autour des vaccins, est vivement critiquée, au point même annonce le Standaard, de devoir être provisoirement retirée (Addendum ex-post : l'information est remontée au Standaard par l'entremise du compte twitter de Vincent Flibustier qui alertrait du problème). Voici ce qu’on peut voir dans les rues de La Louvière ou de Ciney : une affiche où l’on peut lire en grosse lettre : “S’il faut une dose de rappel c’est que le vaccin ne sert à rien”. Le mot "Faux" est tamponné en dessous, et puis un texte en petits caractères explique très pédagogiquement les raisons de ce classement : “Si le vaccin contre le covid est très efficace, il perd progressivement un certain taux de protection. La troisième dose est donc indispensable car elle augmente la protection et diminue la transmission.”

Une question de support

Mais problème, il a bien fallu constater sur les réseaux sociaux que cette campagne n’a pas atteint son but puisque des usagers se sont demandé si ce n’était pas une campagne antivax. Et ce n’est pas que ces citoyens seraient bêtes, mais simplement qu’en passant en voiture à côté de ces affiches on a le temps de ne voir que la Fake News et pas l’information qui la corrige. Ou encore que sur des panneaux déroulants ou les affiches se succèdent, on n’est pas capable de bien comprendre le message, ou encore qu’en marchant dans la rue, un smartphone à la main, un gosse dans l’autre, cette affiche nécessite un temps d’attention trop important. Bref un tas de raisons, qui n’ont rien à voir avec la capacité cognitive des Wallonnes et des Wallons mais avec la conception de cette campagne.

Ce qui pose problème d’abord c’est le support. Est-ce que l’affichage en rue est le bon moyen de capter du temps de cerveau disponible pour lire une information erronée et sa correction. Non pas que nos cerveaux seraient cramés dans le Sud, mais surtout que le marché de l’attention est à ce point saturé par la publicité, les smartphones, sans parler de notre attention minimale à la circulation ou à l’état des trottoirs que le temps nous manque pour appréhender un contenu qui met environ 15 secondes à lire. 15 secondes d’attention c’est précieux dans le contexte de la rue.

Un problème de conception

L’autre problème tient à la conception. Car si on n’a pas 15 secondes, mais seulement 5, on ne lit que le slogan en grandes lettres et pas le reste en petites lettres. Et donc on ne retient que le slogan faux. Cela interroge la méthode même. La question se pose à tous les communicants : est-ce qu’il faut faire campagne sur les arguments de ses adversaires ? N’est-ce pas prendre le risque de participer à installer, même négativement, les arguments adverses dans l’espace public ? On pourrait y voir une sorte de dérivé de l’Effet Streisand. C’est le fait qu’une information se retrouve diffusée massivement simplement parce qu’on a voulu la cacher. Ici l’information se retrouve très diffusée simplement parce qu’on a voulu montrer que c’était une fake news.

C’est d’ailleurs une question qui se pose aussi dans les rédactions de journalistes. Est-ce que le fact checking à tout va ne participe pas à la diffusion d’informations fausses. Simplement parfois parce que l’information fausse est plus simple, plus attrayante alors que le fact Checking est plus nuancé et moins attirant.

Les affiches vont être revues pour laisser moins de place à la confusion annonce le cabinet de Christie Morreale au Standaard. Mais la question reste, quand les autorités veulent communiquer sur un sujet sensible comme celui-là, elles ont sans doute intérêt à communiquer positivement à propos des informations les plus crédibles, les plus valides, les plus solides pour faire passer son message. Victor Hugo disait que la rumeur est la fumée du bruit. Il est peu probable qu’on dissipe la fumée en montrant de la fumée sur des affiches.

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