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Economie

Que faire en cas de problème lors d’un vol ? Le point sur la réglementation en vigueur et ses possibles évolutions

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Par Lavinia Rotili sur base du dossier de la rédaction et d'un reportage de Nicolas Rondelez

L’actuelle présidence tchèque de l’Union européenne souhaite relancer le débat sur le système d’indemnités et de remboursement en cas de problème lors d’un vol. La question est plus que jamais d’actualité. Cet été, en effet, les aéroports ont été pas mal perturbés. En cause notamment, un manque de personnel, mais aussi pas mal de mouvements de grève.

Dans ces cas, les voyageurs sont souvent un peu perdus : c’était le cas pour Johanne. Alors que son vol aller pour Barcelone s’était bien déroulé, celui du retour a été annulé la veille à 22 heures, pour raisons techniques. "Une demi-heure plus tard, on reçoit un autre mail de cette même compagnie pour nous dire qu’ils ont trouvé une solution. Mais leur solution nous faisait atterrir à Amsterdam à 22 heures, sans autre moyen pour rejoindre Bruxelles", témoigne-t-elle.

Force est de constater que la compagnie a respecté une de ses obligations : proposer une alternative. Mais Johanne a choisi le remboursement, car elle a finalement trouvé elle-même un autre vol. À son retour, en plus du remboursement obtenu, elle fait valoir son droit à une indemnité. "Ils m’ont répondu dans le quart d’heure pour dire que notre vol ne rentrait pas dans les conditions d’indemnisation", s’étonne la voyageuse.

Une indemnisation entre 250 et 600 euros par passager

À part pour des raisons de force majeure, l’annulation d’un vol donne droit à une indemnisation. Une grande part des vols annulés depuis le début de l’été l’a été pour des raisons de manque de personnel ou de grève des employés des compagnies. Ceci n’est pas considéré comme un cas de force majeure : l’indemnité peut donc être réclamée.

Julie Frère, porte-parole de Test-Achats, abonde dans le même sens, rappelant quelles sont les conditions à remplir pour ce système, en place depuis 2005 dans l’Union européenne. Pour elle, dans le cas illustré ci-dessus, la compagnie aérienne n’a pas rempli toutes ses obligations. "Quel que soit le moment de l’annulation et quelles que soient les raisons, vous avez toujours droit à ce qu’on vous propose soit un vol alternatif qui vous convient, soit un remboursement. C’est au choix du passager. En plus de cela, si le vol a été annulé moins de deux semaines avant la date de départ et hors cas de force majeure, vous avez droit aussi à une indemnité complémentaire qui va de 250 à 600 euros par passager en fonction de la distance qui devait être parcourue par le vol. Tout ça doit être clairement expliqué par la compagnie aérienne. Ça fait aussi partie de vos droits d’être correctement informés de façon proactive par la compagnie aérienne."

A cela s’ajoute ce que la porte-parole de Test-Achats définit "l’obligation d’assistance".

"Imaginez que vous êtes bloqué sur votre lieu de vacances, que vous devez passer une nuit de plus à l’hôtel, qu’éventuellement il faut retourner à l’hôtel, utiliser un moyen de transport, etc. Eh bien, vous avez droit à ce que la compagnie aérienne prenne en charge ces frais. Normalement, elle doit le faire de façon proactive. Si elle ne le fait pas, gardez toutes les preuves de paiement pour vous faire rembourser. Il faut une alternative d’acheminement. Madame avait le droit à une alternative jusqu’à l’aéroport où elle devait arriver, Bruxelles, et non pas Amsterdam.

Un cas de force majeure, c’est quoi ?

Ce qui est aussi important, c’est la notion de cas de force majeure. Dans ce cas, il y a des interprétations différentes quant au fait de considérer ou non un problème technique comme un cas de force majeure, selon Julie Frère.

A ce propos, par exemple, une grève peut être considérée ou non comme un cas de force majeure : tout dépend de la circonstance.

"Une grève pour laquelle la compagnie aérienne n’a aucune prise, donc par exemple une grève des contrôleurs aériens ou une grève des bagagistes, c’est considéré effectivement comme un cas de force majeure. Mais une grève du personnel de la compagnie aérienne n’est pas considérée comme un cas de force majeure. C’est évidemment un élément essentiel du business de la compagnie aérienne que de gérer les relations avec son personnel", précise Julie Frère.

Avec quelles conséquences ? Pour faire court, si le personnel de cabine est en grève, on a droit aux indemnités. Si ce sont les bagagistes, on a droit à un remboursement ou à un vol alternatif.

"L’indemnité complémentaire n’est pas due en cas de force majeure, mais retenez bien qu’une grève du personnel aérien de la compagnie aérienne n’est pas un cas de force majeure. La plupart des problèmes techniques ne le sont pas non plus, parce que ce sont des choses qui font aussi partie de l’activité inhérente d’une compagnie aérienne que de devoir gérer ce type de problème, précise Julie Frère. Donc là, par exemple, nous demandons que le fait que la grève du personnel ne soit pas un cas de force majeure soit codifié dans la nouvelle réglementation, s’il y en a une un jour, et qu’on clarifie les choses pour les problèmes techniques, parce que c’est un argument qui est utilisé à tout va aujourd’hui par les compagnies aériennes pour refuser de payer cette indemnité complémentaire aux passagers."

33 millions de voyageurs en Europe sont concernés

Ce qui est particulier, en revanche, c’est que les indemnités sont rarement demandées : une étude de la Commission européenne datant de 2020 et portant sur l’année 2018, révèle que 33 millions de voyageurs en Europe étaient concernés par ces indemnités et y avaient droit, mais en gros, seul un tiers d’entre eux les a réclamées.

Pourquoi ? Simplement, parce que la plupart des voyageurs ne sont pas au courant. "Bien qu’elle doive être clarifiée sur certains points ou qu’elle puisse être, selon nous, renforcée sur certains points, la réglementation est très protectrice à l’égard des droits des passagers aériens et présente des règles relativement claires", poursuit la porte-parole de Test Achats.

Là où le bât blesse, c’est au niveau de l’information des passagers : "On se rend compte que beaucoup de gens ne connaissent pas leurs droits et ne savent même pas qu’ils ont droit à cette indemnité complémentaire, parce que les compagnies aériennes se gardent bien de les en informer." C’est alors aux particuliers de s’informer et entreprendre des démarches. Pour pallier le problème, Test-Achats demande l’automaticité des remboursements et des compensations, une voie dans laquelle les compagnies n’ont pas envie d’aller.

Pour les remboursements, les problèmes sont relativement moindres, et ils sont liés au droit à obtenir un remboursement en liquide, alors que pour les indemnités, c’est plus complexe.

"Malheureusement, certaines compagnies aériennes ne respectent pas cette obligation et imposent un voucher aux passagers. Certaines compagnies, comme Wizz Air ont cette pratique-là, ils déclarent de façon assez ouverte qu’elles ne respecteront pas le règlement européen à ce sujet. Et aujourd’hui, Wizz Air, malgré ses déclarations assez claires, n’a toujours pas été sanctionnée par les différentes autorités compétentes et continue donc à se moquer assez ouvertement des droits des passagers aériens", regrette Julie Frère.

C’est dans le souci d’améliorer la situation que la présidence tchèque de l’Union européenne a remis le sujet sur la table. Déjà en 2013, quelques propositions avaient été avancées. Ce qui bloque dans l’avancement du dossier, c’est que si l’Union cherche à faire bouger les choses, les compagnies aériennes, elles, lui mettent la pression parce qu’elles estiment que les indemnités sont trop importantes. Pour elles, il serait disproportionné de payer des indemnités de 300 euros pour un vol qui, par exemple, en coûtait 50 au départ.

Pourtant, l’argument est réfuté par Julie Frère, de Test-Achats. Elle propose de recadrer le débat : "L’étude de la Commission européenne montre que les causes des annulations sont dues pour 60 à 75% à la responsabilité des compagnies aériennes. Donc, on ne parle pas de cas de force majeure, on parle vraiment d’événements pour lesquels les compagnies aériennes sont responsables, à tout le moins une marge de manœuvre pour éviter que de tels événements ne se produisent. C’est la première chose à souligner. Et ensuite, le prix du billet n’a pas grand-chose à voir avec le dommage subi par le consommateur, qui peut ensuite, par exemple, perdre une location de voiture, perdre une nuit d’hôtel, qu’il ne va pas pouvoir rembourser sur place. Et donc, ces montants ne servent pas à rembourser le prix du billet. Pour ça, on l’a justement dit, il y a le remboursement. L’indemnité complémentaire sert à couvrir le dommage subi par le consommateur dû à l’annulation de son vol. Ce sont des choses tout à fait distinctes."

Des indemnités à partir de trois heures de retard

Quant aux retards, il faut savoir que pour l’instant, les indemnités peuvent être réclamées à partir de trois heures de retard. Encore une fois, les compagnies n’en sont pas contentes : la période est considérée trop courte et voudrait l’allonger à cinq heures. Du côté européen, on proposait d’adapter cela aux heures de vol : cinq heures pour un vol intra-européen, neuf heures pour un vol de moins de 6000 kilomètres et 12 heures pour un vol de plus de 6000 kilomètres.

"C’est la cour de Justice européenne qui a effectivement fixé le seuil de trois heures, ce n’est pas prévu explicitement dans la réglementation. Nous estimons que c’est une durée claire et facilement applicable. Si on commence à fixer des heures différentes avec des seuils différents en fonction des vols, de la durée, de la distance, etc., ça va complexifier les choses alors que tout le monde est demandeur de clarté. Donc, nous ne voyons pas aujourd’hui de bonnes raisons de modifier ce seuil.", explique la porte-parole de Test Achats.

Pour elle, le maintien d’une règle claire est d’autant plus important que les compagnies sont en train de demander une diminution des droits des passagers aériens : "Ça a été noté à plusieurs reprises, notamment dans le cadre d’une alerte que nous avons lancée après la pandémie de Covid, où les compagnies aériennes ont très peu respecté les droits des passagers. Plutôt que de prévoir des sanctions plus dissuasives et des contrôles effectifs du respect de la réglementation, on propose d’affaiblir les droits des passagers aériens. Pour nous, c’est tout à fait incompréhensible et ce serait désastreux pour l’image des institutions européennes auprès des citoyens et citoyennes européens.

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