"Le moment que les anciens avaient prédit a fini par arriver", dit Julio Hotus, membre du Conseil des anciens de l'île de Pâques, isolée au milieu du Pacifique à 3.500 km des côtes chiliennes et mondialement connue pour ses centaines de statues monumentales, les moai. Les anciens du peuple Rapa Nui avaient, selon lui, insisté sur l'importance d'assurer l'autonomie alimentaire de l'île. Un avertissement que les dernières générations ont ignoré.
Et du jour au lendemain en mars 2020, les 7.000 habitants permanents de l'île de 24 km de long pour 12 de large ont coupé tout lien aérien avec le monde extérieur pour se protéger du Covid. Olga Ickapakarati avait l'habitude de vendre aux touristes de petites figurines de moai en pierre mais a dû se résoudre à retrouver les gestes de ses ancêtres et cultiver la terre.
"On s'est retrouvés sans rien alors on a commencé à jardiner" autour de la maison de bois et son toit en tôle.
Pour que la population subvienne à ses besoins, la municipalité de l'île de Pâques avait dans l'urgence mis en place un programme de distribution de graines et Olga a planté tomates, épinards, betteraves, blettes et céleris mais aussi des aromates : basilic, origan, coriandre. Ce qu'elle ne consommait pas, elle le donnait à d'autres familles qui à leur tour, partageaient leur récolte avec d'autres, formant ainsi un vaste réseau d'entraide. "Tous les insulaires sont comme ça, ils ont le cœur sur la main. Si je vois que j'en ai assez (de légumes), je les donne à une autre famille", ajoute cette "Nua" ou grand-mère en langue Rapa Nui, qui vit avec ses enfants et petits-enfants.