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Interviews cinéma

Cate Blanchett pour "Tár" : "La musique ? c'est nous qui la jouons dans le film !"

L'interview de Cate Blanchett et Nina Hoss pour "Tár"

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Par Hugues Dayez

Rencontre avec Cate Blanchett et Nina Hoss pour le film "Tár", à propos d’une femme chef d’orchestre, du pouvoir que la célébrité peut engendrer et des risques que cela comporte.

Ce que réussit Cate Blanchett dans ce drame psychologique défie l’entendement. Répondant aux exigences du réalisateur Todd Field, les séances de répétitions musicales ne sont pas feintes, l’actrice a réellement appris à diriger des fragments de symphonie, et s’est remise à jouer au piano. Le résultat est saisissant de réalisme et de profondeur.

L’interview intégrale

Cate, le film parle d’art, de célébrité, du pouvoir de la célébrité, et du mauvais usage de ce pouvoir, qu’est-ce qui vous a le plus attirée dans le projet ?

Cate Blanchett : Tout cela ! Je n’avais jamais lu rien de tel, et on en a parlé avec Nina, il y avait des personnages que je n’avais jamais vus portés à l’écran, avec un ensemble de relations qui étaient à la fois vraiment provocantes, et dangereuses, et terriblement honnêtes. Todd Field est un maître de la mise en scène, et la manière dont il a collaboré avec nous, mais également avec son équipe, Florian Hoffmeister pour la cinématographie et Monika Willi pour le montage, et Bina Daigeler pour les costumes, tout était mis en place brillamment pour que le public ait l’impression d’assister à des actions ou des comportements dont les personnages n’étaient pas eux-mêmes conscients. Nous avons tous ces moments douloureux dans notre vie et heureusement, cela arrive quand on est jeunes, où on se rend compte que celui ou celle qu’on croit être n’est pas celui ou celle que les gens perçoivent. C’est tragique pour Lydia mais c’est la même chose pour tous les êtres humains. Et bien entendu la musique ! La musique était extraordinaire !

Tár

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Le film montre également que lorsque vous êtes célèbre, le jugement n’est pas de nos jours dans un tribunal, mais dans la presse et dans les réseaux sociaux. Que pensez-vous de cette évolution ?

Cate Blanchett : Le film commence par une rumeur, un moment où deux personnes sont en train d’échanger des potins sur un smartphone à propos de quelqu’un qui dort et qui n’est pas conscient qu’on parle d’elle. Tout le monde a un smartphone, et tout le monde est amené à discuter et à donner son opinion sur des sujets complexes et souvent très nuancés, des problèmes quotidiens qui demanderaient sans doute plus de temps pour exprimer réellement ce qu’on pense à ce sujet.

On fonctionne au "putaclic", mais en fait, on est confronté à de grandes questions existentielles concernant notre espèce.

Une grande partie du film concerne le temps, le temps qui s’accélère, et le temps qui devrait ralentir. Vous parlez beaucoup de célébrité, mais ces deux personnages auraient très bien pu être architectes, ou travailler dans le monde bancaire – ce qui aurait pu être un peu plus ennuyeux – c’est un film à propos du pouvoir, et la célébrité en fait partie et le génère, mais en fait c’est une analyse de la corruption qui naît du pouvoir dans une institution.

Nina, votre personnage est très important, parce qu’elle est la compagne de Lydia, elle comprend tout mais elle a du mal à communiquer avec Lydia, comment expliquez-vous cela ? parce qu’elle est complètement isolée du monde ?

Nina Hoss : Je pense que nous découvrons ces deux personnages à un moment particulier de leur relation, et même si on n’en parle pas explicitement, elles sortent tout juste d’une pandémie, elles n’ont pas pu faire ce qu’elles aiment faire, à savoir jouer de la musique ensemble, parcourir le monde avec un orchestre, etc. ce qui était une grande partie de leur vie. Elles étaient enfermées ensemble, avec Lydia qui travaille à la transmission de son art, elles arrivent au terme d’un grand projet, la 5e symphonie de Mahler qu’elles vont enregistrer, c’est la dernière et son œuvre sera terminée, et Sharon perd le contact avec elle. Et elle essaie de comprendre si elle doit la laisser s’éloigner, ou la retenir dans ses filets. C’est comme ça que j’ai pu comprendre pourquoi Lydia a besoin de s’échapper, elle a besoin de quelque chose, quelque chose de neuf dans sa vie, elle est arrivée à un point de non-retour ! Sharon en est consciente, mais elle n’est pas encore sûre du danger que ça représente.

Dernière question, d’un point de vue technique, quel était le défi ? Être une cheffe d’orchestre plausible ?

Cate Blanchett : Todd Field, en tant que réalisateur, est profondément authentique. Et donc toute la musique qui est dans le film est originale, c’est nous qui la jouons, ce qui est vraiment une tâche intimidante. Nina joue du piano, et avant, elle a joué du violon, moi-même j’ai joué du piano quand j’étais plus jeune, mais je n’avais jamais dirigé. Mais je me suis rendu compte que j’avais l’expérience de plusieurs années de scène, et en tant qu’actrice de théâtre, j’avais dans mon arsenal pas mal de techniques de communication, parce que la direction d’orchestre est un processus alchimique mais également un processus de communication. Nous avons travaillé avec les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Dresden qui ont été très généreux et qui nous ont appris beaucoup, mais ils devaient aussi jouer un rôle dans le film, donc, on s’est rencontrés tous au milieu de cette expérience. On a enregistré d’abord toute la musique, avec la direction d’orchestre, même si ce n’est pas le sujet principal du film, et le fait que nous devions convaincre tout le monde que nous étions de grandes musiciennes, nous a permis de nous concentrer après sur le vrai sujet du film.

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