Un jour dans l'histoire

Bâtards et maîtresses des rois de France : des 'contre-familles' à assumer... et privilégiées

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Par La Première

Jusqu’en 1673, les premiers souverains Bourbon assument leurs maîtresses et enfants naturels. Ils forment ensemble une autre famille, parallèle à la lignée légitime. Mais comment sont les relations de ces deux familles ? Quels sont les privilèges des unes et des autres ? La 'contre-famille' royale a-t-elle contribué au déclin de la monarchie avant la Révolution ? Explications avec Flavie Leroux, chargée de recherche au Centre de recherche du château de Versailles.

L’usage pour un roi d’avoir une maîtresse et des enfants naturels semble apparaître au XVe siècle. Auparavant, les rois fréquentaient plutôt des prostituées. C’étaient des relations brèves assez secrètes. Ainsi, quand la relation devient publique, comme pour Charles VII avec Agnès Sorel, le roi devra l’assumer. Toutefois, une maîtresse n’a jamais un statut officiel.

Il va être obligé de répondre à certains nombres d’attentes, notamment en termes de fortune, de rang et vis-à-vis des enfants éventuels qu’il aura.

Henri IV et Gabrielle Destrée

Henry IV surpris par l'amassadeur d'Espagne pendant qu'il joue avec ses enfants, peinture de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867)

Flavie Leroux, l’autrice de L’autre famille royale – Bâtards et maîtresses d’Henri IV à Louis XVI, nous conte l’histoire des maîtresses d’Henri IV, époux de Marguerite de Valois (la Reine Margot) ; une union en pleine guerre de religion. Le roi est connu pour ses innombrables maîtresses. Toutefois, celles qui ont été publiques et restées dans ses bonnes grâces pendant plusieurs années, sont plus restreintes comme Gabrielle Destrée, issue de la noblesse picarde.

Gabrielle a 17 ans quand elle finit par accepter les avances d'Henri IV. Etant mineure, il fallait conserver l’intégrité de la jeune fille. La solution trouvée fut d’arranger un mariage avec un gentilhomme de noblesse picarde également.

"Ce mariage donne à la jeune femme une sorte de brevet d’honorabilité. Outre qu’il permet au roi de faire des dons d’importance. Il est donc possible qu’il y ait eu un pot-de-vin…", précise la chercheuse.

Il s’agira d’une véritable passion amoureuse. Plusieurs indices prouvent qu’un mariage royal aurait été envisagé, mais l’obstacle de la Reine Margot, puis le décès brutal de Gabrielle l’en empêchera. Toutefois, des enfants naturels naîtront de cette relation.

Avantages pour les maîtresses et les bâtards

Les maîtresses royales recevaient des avantages pécuniaires (rente annuelle, argent pour dépenses quotidiennes, …). Mais Gabrielle, elle, reçut aussi des honneurs, comme le titre de Duchesse et même celui de 'Père de France', un titre rarement détenu par des femmes.

Quand la relation donne une descendance vivante, qui dépasse le seuil de la petite enfance, il faut légitimer ces enfants car, officiellement, l’enfant est celui du mari.

La solution est d’annuler son mariage devant un tribunal ecclésiastique. Pour ce faire, il faut trouver de bonnes raisons… Dans le cas de Gabrielle, "la principale sera la consanguinité, par le fait de la proximité de la famille de son mari avec la famille Destrée, et l’impuissance du mari. Gabrielle considérée ainsi comme femme célibataire, son fils pourra être reconnu par le roi Henri IV."

Par la suite, Henri IV aura d’autres maîtresses, puis épouse Marie de Médicis avec qui il aura six enfants dont le futur Louis XIII.

"Les enfants légitimes sont au rang d’enfants de France. Ils sont largement au-dessus des autres en termes de rang et de dignité. Par ailleurs, entre les bâtards, il y a des différences de traitements." Il y a une logique d’ordre de naissance mais aussi de statut de la mère vis-à-vis du roi.

Cela n’empêche des liens affectifs entre des demi-frères, comme Louis XIII élevé avec certains bâtards de son père. Quant à Marie de Médicis, elle continuera à financer les maîtresses de son défunt mari et de leurs enfants.

Mais sous la Régence de Marie de Médicis, apparaît un conflit entre la Couronne et les princes dont font partie un certain nombre de légitimés. Certains vont se rebeller. Mais comme l’explique Flavie Leroux, "les légitimés vont rentrer dans le rang sous la Fronde – dont César [fils de Gabrielle] et ses enfants – qui vont s’allier au clan de Mazarin puisque le cardinal a plusieurs nièces qui forment des partis parfaits."

Sous Louis XIV, une contre-famille s’installe à Versailles

Louis XIV aura, lui, six enfants avec son épouse légitime et environ seize et 18 enfants naturels connus, dont huit seront légitimés. Le roi gardera, voire imposera, cette famille parallèle auprès de lui au palais.

Si Henri IV va privilégier les mérites de la famille et son ancienneté, Louis XIV va s’émanciper de ce discours en affirmant : la femme a mérité de bénéficier d’un honneur ou une grâce parce qu’elle bénéficie de son affection. "Ses enfants vont alors être visibles et s’installer dans le quotidien de cette Cour." Une 'contre-famille' qui va finir par concurrencer la véritable cellule familiale.

Deux ruptures dans les traditions familiales vont perturber la monarchie

Louis XV, Roi de France (1715-1774) et Marie Jeanne Becu, Comtesse du Barry.

D’une part, Louis XV prendra pour principales maîtresses Madame de Pompadour, née roturière d’une famille bourgeoise, et surtout avec Madame du Barry, née bâtarde. Celles-ci recevront pourtant des fortunes colossales. C’est une première rupture !

Sous le règne de Louis XVI, Marie-Antoinette aura des favorites. Une deuxième rupture apparaît alors avec la faveur du Roi qui est mise de côté pour la faveur de la Reine. Celle-ci octroie de l’argent à des amis et amies.

Des ruptures qui pourraient avoir joué un rôle dans l’effondrement de la monarchie, comme l’estime Flavie Leroux.

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