Déclic

Guerre en Ukraine : la cuisine, appui logistique considérable de la population ukrainienne à son armée

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Par Hélène Maquet

Le journal français La Croix s’est penché sur l’approvisionnement de nourriture de l’armée ukrainienne. Une nouvelle exposition de l’effort de guerre fourni par la société civile, et qui révèle la transformation économique du pays. Enquête dans les 'cuisines' de fortune de l’armée ukrainienne.

"Une armée marche sur son estomac" disait Napoléon Bonaparte. Autrement dit, l’apport nutritif corrèle avec la force d’une armée.

L’unité de base de l’alimentation de base dans les armées, c’est ce qu’on appelle 'la ration militaire'. Calculée précisément, produite au pays, en fonction des préférences culinaires et culturelles des soldats. Parce que manger, quand on est sur le terrain de la guerre, va bien au-delà de l’alimentation : c’est aussi un moment de socialisation, c’est un moment de réconfort.

La ration militaire instaure en quelque sorte la stabilité dans le chaos. Alors qu’en est-il sur le front en Ukraine ?

Des initiatives locales

Pour les soldats ukrainiens, les choses sont très particulières : ils sont dans leur pays. Mais ils font face à des défis logistiques très particuliers.

Il faut bien saisir l’une des premières contraintes rappelle Pierre Sautreuil, journaliste à La Croix, envoyé en reportage sur le front : avec l’invasion russe, les effectifs militaires ukrainiens ont triplé en quelques mois. "L’Ukraine a dû intégrer un nombre considérable de recrues : il y a eu un afflux de volontaires pour faire face à l’agression russe et créer donc de nouvelles brigades. Or, cela suppose la création de chaînes logistiques qui peuvent être complexes à mettre en place".

Cela sous-entend notamment l’approvisionnement en nourriture qui n’était pas prêt. Pour pallier à ce problème, comme souvent depuis le début de cette guerre, c’est la société civile qui s’est mobilisée et qui s’est organisée.

Il y a ceux qui vivent près de la ligne de front, des gens qui cuisinent chez eux pour les soldats qui sont en train de se battre.

Mais il y a aussi, partout dans le pays, des Ukrainiens qui réfléchissent, qui expérimentent, avec le matériel qu’ils ont sous la main, pour nourrir les soldats qui se trouvent en deuxième ou troisième ligne, qui ont juste de l’eau à disposition. Par exemple, ces gens-là ont conçu du bortsch déshydraté, célèbre potage ukrainien qui existait déjà en poudre. "Ils ont pensé que ce qui est intéressant dans le bortsch, c’est d’avoir les bouts de viande : il y a donc une espèce de laboratoire sous-terrain qui s’est installé, avec six femmes volontaires qui passent leur journée à couper des tranches de légumes, à les déshydrater, à les mettre en sachets et à expédier cela sur le front. Ce sont des volontaires qui les acheminent ou alors des soldats qui sont de passage à l’arrière qui viennent les chercher" explique encore Pierre Sautreuil.

18 décembre, une cuisine de campagne est établie à Vicheva Square dans l’ouest de l’Ukraine pour servir plus de 4000 borscht ukrainien.
18 décembre, une cuisine de campagne est établie à Vicheva Square dans l’ouest de l’Ukraine pour servir plus de 4000 borscht ukrainien. © Yurii Rylchuk / Ukrinform/Future Publishing via Getty Images

Une organisation de plus en plus efficace

Oleksandr "Malyi" chef d'un restaurant de Dnipro, cuisine pour l'armée ukrainienne dans la région de Zaporijia en novembre 2022.

Après près d’un an de guerre, ces initiatives spontanées de la société civile sont en train de se structurer. Cela correspond à ce que racontent de nombreux humanitaires. L’effort de guerre, l’effort humanitaire repose largement sur la population ukrainienne.

D’après le journal La Croix, il y a une articulation de plus en plus efficace entre cette société civile organisée, structurée, et l’armée. Le pays, en entier, joue vraiment le rôle de base arrière. Pierre Sautreuil pointe même un autre phénomène concernant la nourriture livrée aux soldats ukrainiens, c’est la mobilisation de l’industrie : "Il y a une usine dans l’ouest de l’Ukraine qui produisait de la pâtée pour chats et chiens qui s’est dit qu’il y avait peut-être moins de besoins là-dessus : 'On va transformer nos chaînes de productions, on va faire des rations militaires'. Et c’est ce qu’ils font : il y a des adaptations de l’outil de production industriel pour répondre aux besoins qui naissent de la guerre".

Cette histoire montre très bien un mouvement auquel on assiste dans le pays : les initiatives spontanées de la société qui se structurent très rapidement, qui deviennent des actions humanitaires, en soutien à l’armée ou aux ONG, et puis qui, éventuellement, peu à peu, deviennent des projets industriels.

Or l’économie, c’est un enjeu capital aujourd’hui en Ukraine. Dans les premiers mois, la population s’est retroussé les manches.
Mais après presque un an de guerre, le tissu économique s’est terriblement dégradé. Avec les infrastructures électriques et de télécommunications qui sont pilonnées, c’est très compliqué de maintenir l’économie ukrainienne à flot. On assiste donc à une forme de transition vers une économie de guerre, avec quand même beaucoup d’inquiétudes pour les mois qui viennent, parce que la guerre est en train de s’installer dans le temps.

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