Week-end Première

Eboueur : un métier créateur de richesse et grand contributeur écologique

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Par Olivier Marchal

Applaudis pendant les confinements, oubliés depuis, on n’imagine pas combien sans eux, ce serait le boxon, la puanteur, l’infection généralisée. Avec Olivier Marchal, sociologue et directeur de la Cité des Métiers de Charleroi, on explore le métier d’éboueur.

Une chose est claire, sans cette Belgique qui se lève tôt, nos rues et vos vies sombreraient dans un chaos d’ordures. Car ramasser, collecter, transporter ces déchets que nous produisons en masse et de plus en plus, 500 kilos par an et par personne est un défi autant qu’un exploit.

Une évolution très lente

En parcourant l’histoire des déchets, il est surprenant de voir que de la Préhistoire à 1990, notre rapport à ceux-ci n’a en fait pas évolué. On a inventé des avions, marché sur la lune et pendant des milliers d’années, en matière de gestion de nos crasses, c’était : jeter, cramer, ou enterrer.

Côté métier par contre, on a été forcé d’innover : les Grecs, les Romains faisaient ramasser leurs déchets par des gens appelés les 'boueux', ancêtres des éboueurs.

Et quand les villes de l’Europe médiévale, jonchées d’ordures ménagères, d’excréments humains et d'animaux, sont devenues les épicentres des grandes épidémies, les lignes ont bougé et une fonction, puis un métier, a commencé à se structurer. Non sans mal. Non sans débat aussi. Surtout en France, qui en est experte, avec une proposition des réformateurs du XVIIIe siècle qui proposaient à l’époque d’utiliser les pauvres pour nettoyer les rues réglant ainsi d’une pierre deux coups "la puanteur de l’immondice et de l’infection sociale".

Pour la bienveillance et le respect. On reviendra. Mais une chose est certaine : si le métier d’éboueur est né dans les gadoues de nos villes infectes, il est aussi né de l’imaginaire hautain des dominants, comme une fonction sale pour des gens sales.

Et la Poubelle fut, et le tri aussi

Du positif aussi, dans cette drôle d’histoire qu’est l’Histoire, avec un certain Eugène Poubelle, préfet de la Seine, qui imposa en 1833, aux propriétaires d’immeubles, trois récipients munis de couvercles. Un pour les matières organiques ; un pour le papier et les chiffons et le dernier pour la faïence, le verre et les coquilles d’huitres. Le tout ramassé chaque jour. La poubelle était née. Le tri sélectif aussi. Et si la première fut rapidement adoptée, le second fut hélas retoqué par les propriétaires réfractaires à mettre la main dans ce genre de panier-là.

Un métier accessible et essentiel

Jusqu’au développement des filières de recyclage, le métier agissait dans une chaîne très courte allant de la poubelle à la décharge ou l’incinérateur. Mais aujourd’hui les choses ont changé. C’est tout un écosystème de nouveaux métiers qui interagit avec : conducteur d’engin lourd, maintenicienne de chaîne de tri, trieur, gestionnaire de parc à container, valoriste ou encore en charge de la propreté des villes et noyau d’habitat.

Un secteur accessible, même avec un faible diplôme, mais exigent, puisqu’il faut une grande capacité physique. Car éboueur est un sport qui ne se pratique pas en salle, et qui affronte sans broncher : la pluie, le gel, et les canicules. Un métier dur dont le salaire symbolise toute notre difficulté à rémunérer avec justesse, les métiers essentiels.

Et pourtant, le manque de considération est partout. Souvenez-vous, enfants, dans les rayons Playmobil. Il y avait le camion de pompiers, la police, les tractopelles et la star du rayon, en vert et blanc : le camion de poubelle. Puis le monde adulte faisait (et fait encore) son ravage habituel du haut de son étrange et injuste hiérarchie des utilités.

Et puis après, plus rien : pas d’éboueurs à la télé, dans les romans, nada, même le très bavard Wikipédia n’affiche pour éboueur, qu’une page limitée. À croire que ce métier, pourtant indispensable, n’est à sa place, que caché, invisibilisé. Et c’est triste. Parce qu’à en croire les femmes et les hommes qui exercent le métier, la rudesse des conditions, les tonnes de déchets à porter à bout de bras chaque semaine, c’est déjà dur mais, pour eux, le plus rude, c’est le manque de reconnaissance.

© Belga

Transition écologique et économique

Aux premières lignes de la transition écologique, le métier est aussi en train de prendre une dimension économique de plus en plus forte. Car avec des ressources rares, une explosion des coûts de transports et les tensions géopolitiques que nous connaissons actuellement, nos déchets deviennent soudain de l’or : une ressource brute et précieuse. Tant d’ailleurs que si avant on parlait de décharge publique, aujourd’hui on dit 'gisement de détritus'. Et cela change tout.

Eboueur donc, un métier créateur de richesse et grand contributeur écologique. De quoi forcer un peu le respect. Et lancer un défi : la prochaine fois que vous croiserez un éboueur ou une éboueuse, ralentissez, souriez, et prenez une seconde de votre vie, pour leur dire 'grand merci'.

Si ces métiers vous attirent et que vous souhaitez vous renseigner, n’hésitez pas à contacter les Cités des Métiers de Bruxelles, Charleroi, Liège et Namur. Ainsi que les Carrefours des Métiers de Huy, Nivelles, Marche-en-Famenne, Verviers, Arlon, La Louvière, Mons, Tournai et Mouscron, qui sont eux aussi là pour vous aider et vous conseiller, au plus près de vos possibilités.

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