Justice

Procès des attentats de Bruxelles : le logeur Smail Farisi, en panique totale en découvrant le 22 mars l’image des terroristes

Arrivée Ibrahim El Bakraoui rue des casernes

© RTBF

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Par Patrick Michalle

S’il est trop tôt pour se faire une opinion définitive, on n’est pas encore au débat sur la culpabilité des accusés, force est de constater qu’après l’audition comme témoins des juges d’instruction et des enquêteurs, on comprend pourquoi Smail Farisi âgé de 32 ans à l’époque des faits en 2016 ainsi que son frère Ibrahim Farisi comparaissent librement lors des audiences.

Inconnu des services de police et du contre-terrorisme

Car si les deux accusés, sont quelquefois turbulents lors du procès, l’éclairage apporté à l’audience permet d’en comprendre la raison : "Je souffre d’alcoolisme et d’une addiction au jeu" dira l’accusé Smail Farisi aux enquêteurs après son arrestation en 2016. Son profil n’a rien à voir avec des personnes radicalisées viendra confirmer le juge d’instruction à l’audience, il est d’ailleurs inconnu des services de police et de la documentation contre terroriste.

Hasard d’une rencontre entre copains d’école

Ce belgo-marocain né en 1984 a terminé l’enseignement secondaire supérieur au sein de l’Institut technique René Cartigny et c’est là que sa route va croiser à la fois celle d’Ibrahim El Bakraoui et celle d' Ali El Addad Asufi qui se trouve dans le box des accusés. Alors qu’ils s’étaient perdus de vue, un hasard va faire qu’ils vont se retrouver en 2015.

Il se laissera convaincre de le dépanner pour un court moment

Smail Farisi va recroiser près de la gare du Midi la route d’Ali El Haddad Asufi et c’est ce dernier qui lui téléphonera pour lui proposer d’héberger temporairement son ami Ibrahim El Bakroui à la rue des casernes à Etterbeek. Pour son malheur Smail Farisi finira par se laisser convaincre de le dépanner d’abord gratuitement pour quelques jours puis pour plus longtemps mais en payant une somme substantielle. Un hasard synonyme de poisse, car jamais explique-t-il lors de la vidéo de reconstitution de la rue des casernes projetée à l’audience, il n’aurait pu imaginer qu’Ibrahim El Bakroui irait se faire exploser à l’aéroport.

La panique totale à la découverte des images

Rue des casernes – nettoyage de l’appartement
Rue des casernes – nettoyage de l’appartement © RTBF

Le soir du 22 mars, le "ciel lui tombe sur la tête" explique Smail Farisi lorsqu’il aperçoit sur les images des télévisions, son "locataire" affublé de son écharpe caractéristique.

On ne peut comprendre que si on l’a vécu

Aux questions nombreuses de l’enquêteur qui l’interroge dans la vidéo, on perçoit le désarroi et les hésitations de Smail Farisi : " J’ai vu l’homme à l’écharpe sur les images, c’était celle d’Ibrahim. Je ne savais pas quoi faire ? On ne peut comprendre que si on l’a vécu. J’étais paniqué ! Je découvre en même temps les horreurs qu’ils ont faites ; je suis comme une pile électrique. En temps normal, j’aurais été à la police. Mais voilà la panique".

Après le 22 mars, le mauvais choix

Pour expliquer ce mauvais choix à l’audience, l’un des enquêteurs évoquera plutôt le témoignage d’une ancienne petite amie de Smail Farisi. Simple hypothèse ajoutera l’enquêteur car personne n’a voulu confirmer ce témoignage.

Se rendre ou non à la police

Le soir du 22 mars, il sera question d’une explication familiale au domicile des Farisi avec cette question centrale : "se rendre ou non à la police" et un arbitrage paternel qui aurait incité Smail à ne pas s’y rendre. Une version contestée par les principaux intéressés, dont Smail Farisi lui-même. Réaction assez identique lorsqu’à la reconstitution, à la question posée par le juge d’instruction présent sur les lieux : " Lorsque vous découvrez les images le 22 mars, vous sollicitez votre frère pour vous aider à vider l’appartement, est-ce qu’à aucun moment vous ne l’informez des raisons de votre état et de vos craintes d’héberger les terroristes ?" ; Smail Farisi répond lui avoir simplement dit : "je suis dans la merde". Et d’ajouter que vu son état mental à ce moment, il n’a pas réagi comme quelqu’un de normal : " C’est possible de lui en avoir parlé mais je sais plus vous dire exactement ce qui s’est passé ".

De nombreuses rencontres à la rue des casernes

© RTBF

L’enquête de téléphonie combinée avec la saisie des images de la caméra installée dans le hall de l’immeuble a permis de reconstituer l’ensemble des entrées et sorties des différents protagonistes durant l’ensemble de la période infractionnelle. Et même avant les attentats de Paris.

Smail Farisi a effectué des dizaines de passages à l’appartement à des moments où Ibrahim El Bakraoui s’y trouvait puis lorsque son frère Khalid a pris la place d’Ibrahim. Mais jamais dira Smail Farisi, il n’a été question de la Syrie où des attentats : "Je ne m’intéressais pas à la religion et à la politique, je suis plutôt un bon vivant". L’enquête n’a pas permis d’éclaircir les contenus des conversations durant les nombreuses heures où ils se sont retrouvés ensemble rue des casernes.

La volonté de les faire tous partir au plus vite

Moment délicat lorsqu’il est question des photos des frères El Bakroui parues en première page de la DH au lendemain de la rue du Dries quelques jours avant le 22 mars. Les relevés "caméras" indiquent une fréquence de passages plus grande de Smail Farisi. Une nuit où il rentre imbibé avec sa clé de l’appartement, il découvre Osama Krayem, couché sur matelas à même le sol. Aussitôt Khalid se lève et va vers lui pour lui indiquer qu’il n’a rien à voir avec les attentats de Paris : "Khalid El Bakroui m’a dit qu’il allait partir bientôt, de ne pas m’en faire pour les photos car comme ancien "braqueur", la police cherchait à lui mettre tout sur le dos mais qu’il n’avait rien à voir là-dedans". Se satisfaisant de cette réponse Smail Farisi dira qu’il était heureux de savoir qu’il annonçait son départ pour le 23 mars : "Je voulais qu’ils partent tous au plus vite, raison pour laquelle je suis revenu plusieurs fois à l’appartement pour leur mettre la pression. Khalid m’a confirmé qu’il serait parti pour le 23 mars. J’étais prêt à patienter un peu sans imaginer qu’ils allaient se faire sauter".

Smail Farisi a déjà fait deux ans de prison à la suite de son arrestation au lendemain des attentats du 22 mars 2016. Ses avocats estiment aujourd’hui qu’il n’a rien à voir avec les attentats commis à Bruxelles. Ils s’apprêtent à réclamer l’acquittement de leur client.

 

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